ALPHA MOBE – Transmettre le patrimoine de la culture africaine aux enfants
Alpha MOBE, connue sous le pseudo Mukazali, née à Kinshasa en République Démocratique du Congo. Elle est passionnée de langues Congolaises, elle les associe à d’autres langues (français et anglais) afin de faciliter l’échange culturel par le biais de la langue qui est un moyen de communication efficace. Elle continue à les faire vivre par des livres et ateliers sur la culture congolaise. Il y a une dizaine d’années, elle a pensé bon de compiler des mots par thème pour que les enfants, dès leur plus jeune âge, se familiarisent avec ces langues qui font également partie de leur patrimoine culturel.
Aujourd’hui vous vivez en France et écrivez-des livres pour enfants : quelle place donnez-vous à la lecture ?
Pour écrire, il faut vraiment aimer lire. Parfois, on peut écrire rapidement mais on passera plus de temps à relire, relire et relire encore… La lecture fait travailler le cerveau et pousse à la créativité. Elle est très importante surtout pour la croissance d’un enfant. J’encourage les parents à cultiver l’amour de la lecture (des livres) à leurs enfants et moins de jeux vidéos.
Les livres que vous écrivez sont en langues africaines, mais congolaises en particulier : pourquoi ces langues uniquement quand l’Afrique regorge de plusieurs langues?
Ce serait fabuleux si je parlais toutes les langues africaines ! Je ne les parle pas toutes et la culture que je connais et maitrise bien est celle du Congo dont je suis je suis originaire. Alors j’ai décidé de n’écrire que sur les langues congolaises que je connais sachant que le Congo a beaucoup d’autres langues. J’encourage d’autres qui maitrisent bien certaines langues africaines à écrire les livres didactiques dans leurs langues pour les enfants ou d’autres.
La jeunesse parle-t-elle ces langues?
Dans l’une de vos questions, je disais que j’écris (au départ) surtout pour les enfants des Congolais nés hors du continent et éloignés de la culture congolaise. Donc, beaucoup ne parlent pas les langues congolaises. Quand bien même, ils les parlent mais il faut un manuel pour conserver les écrits. On peut parler une langue et avoir un problème sur l’écriture de cette même langue. On dit bien « les paroles s’envolent mais les écrits restent ».
Avez-vous le projet de les traduire en d’autres langues comme l’anglais, le wolof, le xhosa ou autres langues? Depuis quand écrivez-vous?
Tous mes livres sont écrits en langues des deux Congo : Lingala, Kikongo, Tshiluba, Swahili et Lari. Peut-être qu’un jour, j’écrire en collaboration avec les écrivains ou auteurs d’autres langues. Mon premier livre a été publié il y a dix ans. Et depuis, il y a eu des rééditions.
La création littéraire a-t-elle toujours été le projet de votre vie professionnelle? Sinon, comment votre amour pour la création littéraire s’est développé au profit de votre première profession?
Je suis diplômée dans un autre domaine. J’ai toujours eu cet amour de la culture congolaise depuis l’Afrique, c’est en arrivant en Europe que j’ai découvert l’importance de préserver ses racines. Au départ, J’avais créé une application qui s’appelle MUKAZALI pour smartphones et tablettes, en téléchargement sur GooglePlay. Cette application est un dictionnaire Français-Lingala, Lingala-Français (+ de 2600 mots en Français) et (+ de 2000 mots en Lingala).
Il y a aussi la traduction avec les SYNONYMES, CONJUGAISON, GRAMMAIRE, NOMBRES, L’ARGOT et PROVERBES en Lingala.
Des mises à jour sont prévues pour cette application. A l’époque, je me suis rendue compte que rien n’était fait pour les enfants en matière des livres didactiques. Il y a beaucoup de livres pour enfants mais ces livres racontent surtout de contes, des histoires, des légendes etc. presque rien de didactique.
Écrire en langues nationales : une façon de préserver et valoriser les langues africaines et les littératures orales?
La culture est un patrimoine, une façon de préserver et valoriser la culture et en même temps, c’est une ouverture au monde : un moyen de communication efficace quand on échange dans une même langue.
Y a-t-il un pont entre l’écologie et la jeunesse dans votre création littéraire ?
Avant la pandémie, je faisais des ateliers sur la culture congolaise (sa géographie, son histoire, ses traditions, la famille, le mode de vie…). Nous parlions de tout : une bonne utilisation de la braise (qui vient des arbres coupés), comment un arbre, un légume etc… sont plantés, etc… D’ailleurs, je donne l’exemple en ce qui concerne l’écologie. Le papier utilisé pour tous mes livres est sans chlore, ni acide, ni bois…résistant au vieillissement et certifié FSC (organisme qui assure la gestion de la forêt). Dans tous mes livres, vous trouverez ce symbole FSC.
Quels sont les effets de la pandémie dans votre création?
La pandémie a été une surprise pour beaucoup d’entre nous, il fallait travailler autrement : s’adapter et utiliser le temps de confinement ne sachant pas combien de temps ça allait durer. J’ai profité pour refaire mon site www.mukazali.com et trouver d’autres idées pour alimenter ou modifier le site en plus des livres. Le site au départ est dédié aux livres.
La pandémie, un moment pour mieux écrire et penser autrement votre façon de guider Mukazali?
Il y a eu pas mal de nouvelles idées par rapport aux livres déjà publiés ou à venir. J’ai sorti aussi quatre livres que j’avais du mal à finaliser avant la pandémie. J’ai profité pour enregistrer et publier des livres audio qui sont en téléchargement (pour ceux qui peuvent l’être) sur Itunes, Spotify, Apple music, GooglePlay, Amazon et YouTube.
Que veut dire Mukazali pour ceux qui ne connaissent pas les langues du Congo Kinshasa?
Mukazali est un nom qui tire son origine en langue Sakata dans la région de Mai-Ndombe (Congo-RDC). Mukazali (ou Munkazali ou Munka) veut dire jeune femme, ou jeune fille (un lien avec la féminité).
Que racontent donc vos livres?
Mes livres ne racontent pas des histoires ni contes malgré qu’ils s’adressent aux enfants mais sont didactiques. L’objectif de mes livres est d’aider les enfants (surtout les enfants des congolais nés à l’extérieur du Congo) à faire leurs premiers pas dans la culture Congolaise par le moyen de la langue.
Avez-vous une équipe qui vous accompagne dans la réalisation cette œuvre?
Il y a des personnes qui m’entourent surtout pour la relecture. Toutefois, je reste fidèle aux idées que je compte développer.
Qui illustre vos livres?
C’est un illustrateur Congolais. Les images sont réalisées à la main afin de les rendre plus vivantes et chaque image est un tableau unique.
Quelle place donnez-vous à la femme dans la création artistique et culturelle de votre pays et du monde en général?
C’est une question qui ne se pose pas. Quand on commence à chercher la place de la femme dans la culture c’est qu’il y a un problème. Pour moi la femme ou l’homme représente l’être humain, c’est lui qui perpétue la culture. Chacun de nous a sa part de responsabilité pour préserver ou transmettre la culture. L’homme ou la femme crée et chacun a sa façon et une valeur ajoutée quant à la création artistique et culturelle. J’ai choisi l’écriture pour transmettre le patrimoine de la culture africaine aux enfants qui sont des futurs acteurs africains.
Avez-vous des contacts avec les artistes du Congo-Brazzaville dont vous présentez des magnets sur votre site?
À Paris, il y a beaucoup de Congolais de Brazzaville (écrivains, journalistes etc…) que je côtoie. J’ai eu l’occasion d’en rencontrer d’autres venus du Congo-Brazzaville lors au salon du livre de Paris sur le stand de la «Librairie Bassin du Congo». D’ailleurs, Il y a quelques d’années le journal « Les Dépêches de Brazzaville » m’avait consacré un article dans un de leurs numéros.
Un souhait, un conseil ?
Je m’épanche plus sur un souhait : qu’il y ait beaucoup de livres d’apprentissage de langues africaines pour les enfants afin d’avoir une bonne visibilité sur la place publique. Mon slogan, « Le meilleur de la culture »
Contact:
128 rue de la Boétie
75008 PARIS
France
Email : contact@mukazali.com
Téléphone : 06 87 98 70 37
Propos recueillis par Marie-Léontine Tsibinda Bilombo