Jorus Mabiala : Le théâtre congolais est vivant

Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

 Jorus Mabiala : Le théâtre congolais est vivant

  Jorus Mabiala 

Le théâtre congolais est vivant

 Jorus Mabiala est un conteur qui réjouit le cœur de son public depuis des années. Né à Brazzaville c’est à Pointe-Noire qu’il choisit de vivre et de pratiquer son art avec d’autres artistes comme Claver Mabiala, promoteur culturel de L’Espace Yaro et le comédien Jehf Biyeri qui est aussi à la tête de L’Espace cultuel Ku Nkonde. Ensemble, ils ont organisé le premier Mois du Théâtre de Pointe-Noire, en choisissant le mois de mars pour vivre une activité inédite!

Vous êtes connu comme un conteur au merveilleux talent. Vous avez conté en Afrique, en Europe et dans le reste du monde. Et c’est à Pointe-Noire loin de votre ville natale (Brazzaville) que vous choisissez de monter la première édition du Mois du Théâtre à Pointe-Noire. Expliquez-nous comment l’idée a germé dans votre pensée, mûri et donné des résultats aussi fantastiques !

Oui de mon retour à mon bureau du Centre de Ressources du Conte et des Arts de l’Oralité, et pour donner suite au constat sur le territoire national et à Pointe-Noire, il était urgent de lancer une opération de l’offre et de la demande d’où est née cette idée de faire pendant tout un mois cette campagne de promotion sur le théâtre de Pointe-Noire. 

Dans cet engouement un mouvement est né avec le grand frère Claver Mabiala, metteur en scène et promoteur culturel de l’Espace Yaro et de Jehf Biyeri, comédien, metteur en scène et promoteur de l’Espace culturel Ku Nkonde.                    Aujourd’hui il est clair que le théâtre de Pointe-Noire existe bel et bien et avec son public.

Comment aviez-vous choisi les partenaires de cette première édition et qu’attendiez-vous de ce partenariat ? Cette manifestation aura-t-elle des suites dans les années à venir ?

Jusqu’aujourd’hui, vu l’absence de mécène et du côté timide de nos autorités culturelles du pays, on est reparti sur les émotions et les engagements de nos anciens, qui veut dire, on s’est dit tous les trois, retroussons nos poches pour donner la possibilité aux autres artistes de magnifier notre art.

Et aujourd’hui, l’ambition est tellement grande à la suite du succès, même une année des arts du Congo est en vue.  Avec une ambition générale des hommes et des femmes de culture du Congo dans l’organisation.

Quels ont été les principaux thèmes de cette édition ? Combien de spectacles ont été vus durant ce mois ? 

Les thèmes étaient toujours génériques, l’égalité entre les hommes et les femmes, la prise de conscience collective et allô l’État nous existons. Du côté du nombre de spectacle effectués, le principe était sur cinq spectacles sur cinq lieux puis la dernière semaine, un festival organisé par l’Institut international du Congo qui a donné un surplus de spectacle.  Les spectacles programmés dans le Mois du Théâtre de Pointe-Noire :

«Noces de Sagisse», texte et mise en scène de Bruno Samba avec La Compagnie Les Pétroliers

«L’aigle et la Colombe» de Jean Malonga, mise en scène de Jorus Mabiala avec La Compagnie Africa Graffitis

«Luzimbu» de Chysogone Diangouaya, mise en scène par Aimée Mavoungou avec la Compagnie Bivelas

«La fuite des rescapés de Loango» de Giffery Ngamboulou par l’Atelier Mwezi

«Caresse bleue» de Guer2vie Gobouanc, mise en scène de Jehf Biyeri.

Avez-vous accueilli des troupes venues d’ailleurs pour cette première édition?

Pendant le mois de mars, premier Mois du Théâtre de Pointe-Noire, nous n’acceptons que des troupes de Pointe-Noire, exerçant à Pointe-Noire. C’est pendant la dernière semaine du Mois du théâtre de Pointe-Noire, que nous nous associons au festival organisé par l’Institut international du Théâtre qui entrait dans sa 7ème édition. Le Festival international du théâtre et autres arts de la scène (FITASS) organisé annuellement à la même période se joint à nous également. Le Centre Congo Brazza de l’Institut international du Théâtre (IIT) présidé par Yvon Wilfried Lewa-Let Mandah a accueilli une troupe de Brazzaville et une conteuse, avec une mise en scène d’Aimée Mavoungou.

Sur les médias sociaux, les comédiens ont été vus au bord de la mer : n’y avait-il pas de salles appropriées pour recevoir les spectacles ou le bord de mer une idée nouvelle pour faire face à tout public ?

Nous sommes partis du principe de faire un théâtre avec nos réalités. Nous vivons dans un territoire dans la zone tropicale donc tout est théâtral. Il y a eu des spectacles qui ont été joués sous la pluie, où les comédiens et comédiennes étaient sous la pluie et avec le public. Vu que l’on n’a plus ni l’énergie ni la force de rappeler à nos dirigeants de regarder vers la culture avec son industrie artistique et dans le cadre de chercher toujours dans le cerveau disponible, notre cinquième lieu était notre plage puisque les autorités de la ville et du département avaient décrété depuis quelques années que le dimanche que la Côte Sauvage était pour la population. Tout est prévu sur ce lieu pour boire de la bière en illimité, des surgelés à foison, des sodas à en mourir, des maillots de bain multicolore et quelques noyades en option, ils ont oublié la culture. Et nous sommes venus. Et depuis trois dimanches on pouvait négocier des parties de cerveaux disponibles. Et le régal fut réel.

Organiser un tel événement nécessite du temps pour la préparation et des gros moyens techniques, humains, financiers : aviez-vous reçu l’aide des sponsors de la ville pour accommoder toutes les équipes qui ont travaillé avec vous durant ce festival ?

Jehf Biyeri, Espace Culturel Ku Nkonde
Jorus Mabiala, Centre de Ressources du Conte et des Arts de l’Oralité Pierre Claver Mabiala, Espace Yaro

Déjà par la force des trois espaces culturels, nous avons mis en commun nos ressources qui ont rendu possible cette organisation. Les trois ont fourni le côté financier, technique et humain. S’agissant de l’aide et des sponsors, comme les trois structures manquent de compétence politique et partisane, vu la nouvelle formule dans l’environnement, qui est de payer les sponsors, nous n’avions pas le budget pour.

Aviez-vous eu des ateliers pour présenter le monde merveilleux du théâtre : mise en scène, costume, éclairage, répétitions, choix des comédiens, programmation et autres domaines du théâtre?

Oui il y a eu des ateliers presque permanents tout Le Mois du Théâtre. Par souci de la démocratie, chaque lieu a organisé son programme en toute liberté avec les moyens fournis par les trois structures.

Quels sont les liens tissés entre le conteur que vous êtes et l’homme de théâtre ?

Le Centre de Ressources et ma présence permettent aussi de raconter le théâtre. Je pars par définition que le conte est le premier théâtre de la tradition Kongo.

Les lampions se sont éteints : quelles leçons tirez-vous de cette édition ?

Que le Congo est un pays des possibles, au-delà des constats, le théâtre congolais est vivant. Que l’espoir y est et les Arts peuvent bel et bien participer au désenvoûtement de nos mœurs.

Comment la jeunesse de Pointe-Noire a-t-elle reçu ce festival ?

Brazzaville a dit l’année de la jeunesse. Le pays observe et nous, nous prenons nos responsabilités. L’état de la jeunesse de Pointe-Noire a fait que même le petit congolais est appelé «noir bébé” (bébé noir) et nous essayons de faire des métis. Un jeune congolais plus la culture générale égale Tudumukaanu.

Propos recueillis par Marie-Léontine Tsibinda Bilombo