Henri-Gelase Armand Bouckethy : Savoir valser sur les priorités

Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

Henri-Gelase Armand Bouckethy : Savoir valser sur les priorités

Henri-Gelase Armand Bouckethy :  Savoir valser sur les priorités

 Henri-Gelase Armand Bouckethy, est un amoureux de la culture et des Belles- lettres. Il a fait ses études primaires à l’école primaire de Mvou-Mvou (Pointe-Noire) et le secondaire à Brazzaville (Collège d’Enseignement Général Fraternité et Lycée Libération). Après son Bac A4, il est allé à l’université Marien Ngouabi pour faire Langue et littérature françaises. Cependant, il travaille depuis plus de deux décennies pour une filiale d’un grand groupe bancaire panafricain.

Quelle est votre profession actuelle? Comment êtes-vous arrivé à cette profession, que vous apporte-t-elle?

    Je suis dans le développement Ressources Humaines en tant que responsable après avoir été longtemps responsable d’agence, donc en tant que commercial avant de passer par le Marketing où j’ai piloté le volet Responsabilité Sociétale des Entreprises. Ma profession m’apporte la sécurité.

 Votre profession vous occupe mais vous trouvez du temps pour écrire : comment l’écriture s’est-elle révélée à vous et depuis quel âge aviez-vous écrivez-vous?     

    Lorsque vous êtes amoureux de la culture et des Belles-lettres, le temps se fige pour vous permettre de vous occuper de vos passions. Un peu comme Orphée ou Énée en ressortant des Enfers. À vrai dire, il faut juste savoir valser sur les priorités, l’utile et l’agréable et être à l’écoute de la nature, sa propre nature intrinsèque. L’écriture et moi c’est une vieille complicité. J’écris depuis mon jeune âge. Ma mère vendait des beignets. Et je m’intéressais à lire les bandes dessinées des journaux à la dernière page. C’est de là que me vient cette propension à la lecture, puis à l’écriture. Peut-être que ce sacerdoce me vient de mon feu père qui était fier de mes nièces et petite-nièce qui écrivaient déjà à l’époque. Cependant, j’aime à dire que je suis comme Obélix qui était tombé dans la potion magique contrairement à Astérix qui devait toujours en boire de son philtre.

Pensez-vous que l’écriture est un témoin qui se transmet de génération en génération?                           L’écriture peut être atavique lorsqu’on est prédestiné à en être la vestale. S’il y a des familles de banquiers ou de meuniers, il y a bien des familles d’écrivains. Pour exemples : Les sœurs Charlotte, Emily et Anne Brontë ou Alexandre Dumas père et Alexandre Dumas fils. C’est un peu rare de transmettre cette passion de génération en génération car les goûts et les couleurs ne se discutent pas. L’écrivain voit les prismes et les spectres dans son âme.

Des publications depuis cette période? Des romans, du théâtre, de la poésie? Expliquez-nous votre engouement pour ces genres littéraires?

    Le marché de l’édition était tellement hermétique il y a un momentoù j’étais obligé d’attendre percevoir un salaire pour me faire publier à compte d’auteur en 2004. Ainsi vit le jour mon roman Dans les bras du destin. Puis deux recueils de poèmes : L’ivresse livresque en 2017 et  Les coulisses du confinement en 2021. En 2020, j’ai collaboré à l’anthologie des écrivains congolais Du chaos du coronavirus à l’éclosion d’un nouveau monde sous la direction de mon cher frère Yvon Lewa-Let Mandah, ancien coreligionnaire du Club Autopsie. Je suis aussi l’auteur de deux pièces de théâtre inédites qui sont souvent jouées dans les festivals. Notamment : Conciliabules au Royaume des Dix Provinces et Matricule 791.

Écrire pour vous, un moyen culturel de partager vos expériences de vie ou un chemin à montrer à la jeunesse qui cherche une ancre pour s’affirmer dans la vie?                      

Écrire pour moi est avant tout existentiel. L’écriture m’a permis moi, l’inconnu, d’être une lumière parmi les hommes. J’écris avant tout pour le plaisir de mon âme. Ensuite pour témoigner de mes fourvoiements et de planter un arbre porteur de fruits avant de mourir physiquement. Les générations futures parleraient parfois de moi avec emphase alors que je n’étais qu’un être insignifiant qui a donné un sens à sa vie en lisant et écrivant.

A Brazzaville, où vous continuez vos études, vous vous lancez dans l’activité théâtrale : dans quel genre de pièces jouez-vous : comédie, tragédie? Qui étaient les auteurs des pièces?

    Je suis en 5ème du collège quand j’arrive à Brazzaville. Déjà au primaire, je participais aux activités du ballet de l’école. Pour votre gouverne, je suis un Sagittaire ! Donc au collège, je rencontre un ami, Luc Pambou, avec lequel nous créions la Troupe Poivre et Sel aux côtés de Dominique Nguimbi. Savalas et Stan Matingou, comédiens, nous coachaient. Ensuite, je suis allé dans Obambé Théâtre de mon prof de français au lycée, M. Abel Gousseine. J’ai aussi joué avec la troupe de la MIF (Micro-informatique et formation) et celle du lycée de la Rénovation. J’incarnais divers rôles. On interprétait des pièces d’auteurs congolais, africains et français connus (Letembet-Ambily, Sony Labou Tansi, Guillaume Oyono Mbia, Molière, etc). Parfois, nous écrivions nous-mêmes. Au café-théâtre, nous imitions souvent Coluche et d’autres humoristes. Comédie, tragédie ou tragi-comédie, dès lors que je m’appropriais le personnage, je montais sur la planche. Avec la troupe du Club Autopsie, j’étais plus metteur en scène que dramaturge.

Et au gré de la vie vous rencontrez Léopold Pindy-Mamonsono : qui était-il pour vous, pour le monde littéraire congolais? Qu’aviez-vous appris en côtoyant cet amoureux de la culture?

    Léopold Pindy-Mamonsono, journaliste, écrivain et critique littéraire, était Socrate et, moi Platon. Il m’a appris la patience, l’abnégation et le courage de vivre ce sacerdoce.

A l’université Marien Ngouabi de Brazzaville vous vous retrouvez au Département de Langue et Littérature françaises et outre la rencontre fructueuse avec certains étudiants, quelques professeurs marquent votre espace créatif : un mot à nous dire de ces rencontres avec les professeurs?

    C’est une ère révolue. Une ère où l’apprentissage était notre dada. J’étais marqué par les professeurs dont les noms suivants me hantent encore : Niangouna, Nionsobantou, Dominique Ngoie-Ngalla, Alpha Noël Malonga, Hossie, Mpandi et Omer Massoumou. Même après les cours, je ne voulais pas les quitter car être à côté d’eux était fusionnel.

Mais en 1997, vous quittez Brazzaville en feu, la guerre venait d’éclater, et regagnez Pointe-Noire : la vie n’est pas rose mais votre passion pour la culture et les arts demeure. Que créez-vous pour maintenir votre flamme culturelle?

    En quittant Brazzaville pour Pointe-Noire sous les balles et autres tirs d’obus, j’y laissais une partie de mon âme et, surtout, mon trésor culturel : mes textes, mes projets, mes aspirations et les vestiges de ma courte exposition sous les spots culturels. Arrivé à Pointe-Noire, j’ai dû me reconstruire à travers divers métiers du bâtiment. Et pour alimenter mon esprit, j’ai créé le Cercle pour la Valorisation des Écrivains et artistes Unis (Cer.VEAU) en vue d’aider les jeunes à se réapproprier la chose culturelle, véhicule des valeurs! 

L’association Cercle pour la Valorisation des Écrivains et Artistes Unis ( Cer.V.E.A.U) vous apporte-t-elle la satisfaction que vous désirez? Qui donc est membre de cette association?

    Dans ce projet, je me rapproche en vain du CCF (Centre Culturel Français). Mais, il fallait se tracer une place afin de se faire voir et entendre. Chose difficile à l’époque où les cerveaux étaient enfumés. J’ai donc vu une chaine télé de l’époque pour passer le synopsis de l’émission que j’avais mise en place, L’envol. Un fiasco qui m’a conduit vers « Télé Pour Tous » qui venait d’ouvrir sans retour efficient. Avec des jeunes du Quartier Chic, nous avions créé notre propre chaine de télé libre : Canal Chic. Hélas, les autorités nous ont exigé des frais d’autorisation d’ouverture. D’où la fermeture. C’est ainsi que nous avions ratissé large au niveau des écoles. Le goût de la culture a été transmis à plusieurs élèves dont deux sont célèbres aujourd’hui : Ronnie Nsaffou Mbatchi (Fondateur de Butterfly ONG) et Donald Mapembi (Journaliste). Dans la même visée, j’ai créé un orchestre (QG MosaïK) avec mon feu frère et ami Fondé Crépino Bossoukissa. Depuis, nos activités sont en berne. Mais, nous sommes en train de signer un protocole d’accord avec une chaine télé de la place pour ressusciter le projet L’envol qui portera désormais le nom Artitudes Culturelles.

On dit que vous êtes aussi un mécène : que représente donc le mécénat pour vous? Comment les artistes viennent à vous?

    J’ai produit et aidé des artistes de la place. Mais ce n’est pas une chose facile tant certains artistes confondent le mécénat et l’assistanat. Le mécénat joue un rôle crucial dans le soutien et le renforcement de la culture et des arts. Il permet la promotion des biens culturels et développement d’industries : Les stratégies de mécénat visent à favoriser la reconnaissance et la promotion des biens culturels autant que le développement d’industries dans ce secteur. Cependant, le mécénat culturel en Afrique avance à pas feutrés. En l’absence d’incitations financières, les philanthropes africains qui soutiennent l’art sont encore peu nombreux et, souvent préfèrent rester discrets.

Des participations dans des collectifs? Dans quel but?

    Oui, j’ai participé au collectif des écrivains congolais pour la lutte contre le Covid 19 à travers une anthologie dirigée par Wilfried Lewa-Let Mandah.

Le cinéma vous intéresse-t-il? Aviez-vous continué à jouer dans le monde du théâtre à l’âge adulte?

C’est par vocation que je me retrouve dans le cinéma à partir de mes pièces de théâtre. Je suis souvent sollicité comme acteur, metteur en scène et/ou réalisateur. Aux heures creuses, je m’y mets avec passion.

Quel est votre rapport avec les arts visibles comme la peinture ou la photographie?

    Je me définis souvent comme un couteau-suisse car un, je suis un touche-à-tout devant Dieu et les hommes ! J’ai un rapport d’amour secret avec la peinture artistique parce que je suis auteur de plusieurs tableaux. C’est une passion que je transmets à mes enfants. Souvent, nous occupons nos fins de semaine à peindre.

Des prix, des distinctions?

    Pas vraiment ! J’ai fait peut-être des mauvais choix. Et suis resté un peu en marge du lobbying culturel pontenégrin en roulant en solitaire. Et la maison d’édition où j’ai principalement publié ne m’a pas soutenu malgré la qualité de mon œuvre. Au tout premier Salon du Livre de Pointe-Noire, j’ai cru obtenir le prix Pindy-Mamonsono pour la poésie.

Des recommandations auprès de nos lecteurs?

    Merci de me retrouver à travers les réseaux sociaux à partir de mon patronyme et de commander mon dernier livre, Les Coulisses du Confinement, paru aux Éditions Kemet. Il est disponible sur amazon.fr à travers le lien ci-dessous : https://www.amazon.in/coulisses-du-confinement-Po%C3%A9sie/dp/2493053095

Propos recueillis par Marie-Léontine Tsibinda Bilombo