CLARISSE MEKONGO alias KIRII’AH  MEKONGO – Tant qu’il y a un lendemain il y a toujours de l’espoir…

Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

CLARISSE MEKONGO alias KIRII’AH  MEKONGO – Tant qu’il y a un lendemain il y a toujours de l’espoir…

Clarisse Mekongo est née au Cameroun, mais vit présentement à New York depuis 2016. Elle a fait des études en Secrétariat de direction et a un master en Éthique des droits de l’homme option Affaires et Commerce International. Elle est une artiste à temps plein qui porte plusieurs casquettes.

Clarisse Kirii’ah Mekongo est votre nom d’artiste ?

Mon nom d’artiste est Kirii’ah Mekongo, Kirii’ah veut dire en ma langue maternelle Eton « A demain ». J’ai choisi ce nom d’artiste car pour moi tant qu’il y a un lendemain il y a toujours de l’espoir…

Seriez-vous cette artiste accomplie sans le soutien des vôtres ?

Comme beaucoup d’artistes en Afrique et aussi en général, l’art n’est malheureusement pas souvent considéré comme un métier sérieux. Je dirai oui, tout ce que je suis artistiquement je le dois à mon audace et à mes propres efforts et à ma volonté d’être libre. Du soutien je n’en ai pas eu, raison pour laquelle j’ai dû me concentrer sur ma carrière professionnelle issue de mon cursus scolaire pour pouvoir avoir les moyens de ma politique en gardant toujours à côté de moi ma passion pour l’art. Mes parents n’ont jamais été pour l’art et je peux dire aujourd’hui qu’ils ont fait ce qu’ils croyaient bon pour moi. Ils n’avaient pas tort, j’étais une élève brillante aux études, j’avais un handicap physique, le calcul était facile à faire. Je ne regrette donc pas les quinze ans passés derrière un bureau à exercer un métier pour lequel j’étais douée. Toutes ces connaissances et expériences servent à ma carrière artistique d’aujourd’hui.

Quand aviez-vous senti la racine de la fibre artistique grandir en vous ? Qu’aimez-vous chanter ?

Mon histoire avec l’art est existentielle. Je dois dire que l’art a sauvé ma vie, il a été un refuge, un espace de tous les possibles pour moi. Dès l’enfance déjà, je vivais dans ma bulle pour échapper à un environnement familial dysfonctionnel… Et puis en grandissant cela a été mon moyen d’exister et non juste de vivre. Avant de chanter, j’ai commencé par écrire des poèmes que j’ai transformés en chansons. Ma musique est un peu mélancolique, je chante les réalités du quotidien : l’espoir, l’amour, la joie, les peines… S’il y a une date importante dans ma vie c’est le jour où j’ai décidé de changer de vie en devenant une artiste à temps plein après avoir passé quinze ans derrière des bureaux et c’était en octobre 2015, période où j’ai débarqué en Amérique.

Vous avez choisi d’habiter New York comme d’autres choisissent d’habiter ailleurs : quelles sont les joies et les peines de ce choix ?

Les joies de ce choix sont innombrables, la liberté d’être soi, de choisir ce que je veux pour moi-même, la paix de l’esprit… Les peines elles sont communes et humaines pas nécessairement liées à cet espace, mais juste aux conséquences de ce choix qui m’a fait renoncer à une situation financièrement très stable pour tout recommencer à zéro dans un univers instable. Et bien sûr l’éloignement avec la famille, mais on fait avec.

Vos chants sont-ils des compositions personnelles, des interprétations ou bénéficiez-vous des services d’un parolier ?

Mes chansons sont toutes de moi, je suis auteure de tous mes textes. Il m’arrive de faire des interprétations mais je réécris toujours les paroles, la seule chose que je garde c’est la mélodie. Donc pour l’instant pas de parolier, mais je suis une personne ouverte si jamais l’occasion se présente pourquoi pas ?

Avez-vous déjà des productions à la disposition du public ?

J’ai un album musical sur le marché sorti en 2015 dont le titre est « Le meilleur reste à venir ». L’album digital de 14 titres est disponible sur les plateformes de téléchargement musical.

L’art : musique, sculpture, écriture ou autre, serait-il un outil d’émancipation pour la femme que vous êtes ?

Je dois dire que je n’ai jamais fait les choses comme monsieur tout le monde. Ma passion pour l’art est vaste et mon besoin de liberté et d’épanouissement est vital. Et l’art est l’outil qui m’a offert la possibilité de m’exprimer et de présenter ma vérité au monde. Un outil d’émancipation certainement. Pour un esprit ouvert et avide de connaissance en commençant par la connaissance de soi-même, l’art a été une aubaine. Alors pourquoi se contenter de peu ? Pourquoi choisir une option quand vous avez la capacité, le désir de libérer votre potentiel avant que le monde ne nous fasse croire que nous avons des limites ? Moi mes limites je les teste et je les découvre. Donc je vais pour ce que mon âme réclame, si cela se décline en chanson, je le fais, si c’est en une histoire imaginaire, je l’écris, si c’est un visuel qui me parle, je le crée dans mon esprit soit je le matérialise par une peinture, soit je décide d’immortaliser un moment par la photographie. Il y va de même pour mes créations de bijoux ou d’accessoires de mode… L’art c’est la vie au quotidien.

Comment s’est fait le déclic de la musique à la photographie ?

Ma carrière de chanteuse m’a automatiquement imposé la photographie en tant que model. Pour vendre, communiquer on a besoin de visuels et la photo est là pour vous sublimer et amener le public à vous apprécier avant même qu’il ne vous ait écouté. Mais mon histoire avec la photographie a plus à voir avec mon manque d’amour propre du fait de mon handicap et du fait de vouloir montrer la beauté imparfaite. C’est ainsi que je décide de passer derrière la caméra, pour capturer la beauté de la vie, des choses qui nous entourent et surtout montrer la beauté cachée des choses qui nous paraissent imparfaites.

Vos sources musicales sont-elles les mêmes que celles de la photographie ?

Oui d’une manière générale, tous les arts que je pratique prennent tous leur source à l’intérieur de moi, de ce qui se passe en moi lorsque que je suis « visitée » par l’esprit de l’imagination et de la créativité. La seule différence c’est quelle forme s’impose à moi à la sortie de la transe.

Qu’aimez-vous photographier ?

Les personnes « le portrait » Le fait de pouvoir sublimer les choses, le fait de pouvoir capturer l’âme, la lire à travers une image au-delà des apparences. Proposer d’autres perspectives, un autre regard…

Que représente la Croix rouge pour votre carrière ?

Ma meilleure expérience professionnelle dans ma première vie. Un environnement qui m’a permis d’exercer mes compétences académiques et une institution qui m’a permis de grandir dans cette carrière en me donnant des opportunités de développement personnel. La reconnaissance de mes capacités et de mon potentiel.

Quelles sont les études que vous avez faites : contribuent-elles à améliorer les prestations de vos talents de musicienne et photographe aujourd’hui ?

Les études académiques que j’ai faites n’ont rien à voir avec l’art et n’aident en rien mes prestations artistiques. Je suis « self taught » artiste, soit j’ai le talent, soit j’ai appris sur le tas. Je ne connais rien de la musique, je la fais par instinct et avec les années de pratique je me suis améliorée. Pour ce qui est de la photographie, j’ai fait 2 mois de cours de photographie auprès d’un photographe professionnel et le reste est venu avec la pratique et les années d’expérience. Pareil pour tous les arts que je pratique. Par contre mon expérience professionnelle due à mes diplômes me sert plus dans la gestion entrepreneuriale de mes projets en tant qu’entrepreneur culturel.

Pensez-vous qu’un artiste peut bâtir des ponts, de l’amour et non de la haine ou des murs ?

Bien sûr, le rôle premier de l’artiste est de bâtir des ponts et de l’amour car l’artiste est un messager qui permet de nous reconnecter avec la nature, l’environnement dans lequel nous vivons et avec nous-mêmes. Cela dans le but de vivre en harmonie avec nous-mêmes et les autres. Aucune harmonie ne peut se faire avec des murs et de la haine. C’est un acteur important d’influence sociale.

Vous êtes aussi écrivaine de livre jeunesse : combien de titres à votre actif et quels en sont les thèmes principaux ?

J’ai auto publié deux livres pour enfants, ce sont des contes bilingues (anglais/français). Le premier titre est : The Gift/Le Cadeau, c’est une histoire qui raconte pourquoi les africains remercient toujours les ancêtres et font allégeance à la nature par un geste symbolique qui est de verser quelques gouttes d’alcool au sol (libation). Je me suis demandée ce qui avait bien pu se passer pour que nous en arrivions à ce geste-là. Il s’agit donc de promouvoir nos cultures et comprendre pourquoi certaines choses sont faites. Le deuxième livre c’est Left Eye/La borgne, cette histoire-là parle plutôt de discrimination du fait du handicap et de la différence, de la promotion des valeurs morales telle que la bienveillance et de la place des vieux dans notre société. C’est un parallèle entre mon histoire et celle de ma grand-mère.

Travaillez-vous avec des illustrateurs spécifiques ?

Oui je travaille exclusivement avec des illustrateurs africains, surtout ceux vivant en Afrique. C’est mon moyen de rester connectée à la terre mère et de donner des opportunités à d’autres artistes de voir leur travail exposé au monde. Et puis cela me permet de garder un esprit africain car la communication est plus facile en ce qui concerne mes attentes.

Vous venez du Cameroun et nous savons que les artistes camerounais ont franchi les frontières nationales depuis fort longtemps, citons le cas de Manu Dibango qui vient hélas de nous quitter, comment comprendre et expliquer ces départs étonnants ?

Avec la pandémie du COVID-19 qui sévit en ce moment, on va dire qu’être en vie est une bénédiction. Comme à chaque 100 ans il y a une hécatombe, un bouleversement, un changement, une transition, étant une personne spirituelle je ne peux que regarder le bon côté des choses et accepter les sacrifices et les pertes. Personne ne sait qui y survivra ou pas. Cela a été une grande perte mais le grand frère Manu aura eu une belle et enrichissante vie, que nous célèbrerons à jamais. L’artiste ne meurt pas, surtout pas un de sa trempe.

Quel est pour vous le moment génial de la création d’un morceau d’art dans votre vie ?

Lorsque je peux enfin matérialiser le fruit de ma pensée. Car toute œuvre d’art se crée deux fois, on la pense, la visualise et après on la matérialise. Sans matérialisation elle ne vit pas donc pour moi c’est une naissance et en tant que femme qui n’a pas enfanté, je compense ce manque en créant.

Des projets ?

La vie d’un multi potentiel est toujours rempli de projets, cela peut être une malédiction, ou une bénédiction pour d’autres, comme moi. J’ai enfin terminé l’écriture de mon premier essai littéraire, un roman d’apprentissage autobiographique qui est en correction. Il sortira si tout va bien avant la fin de l’année 2020. Ma première exposition de peinture également en préparation, projet que j’ai décidé de faire lorsque que nous avons été mis en quarantaine. Je faisais de la peinture de manière un peu déguisée car j’avais toujours eu peur d’affronter le canevas ordinaire, la peur du « canevas blanc » en référence à la peur de la feuille blanche, et grâce au COVID-19 le déclic est venu. Voilà les deux projets dont je peux parler pour l’instant, le troisième étant un peu plus complexe, qui nécessitera plus de temps, il s’agit de la recherche sur l’éducation alternative et des outils de transformation de l’individu pour atteindre son plein potentiel.

 Un souvenir d’enfance qui vous marque encore ?

Mon père me disant « Tu n’es pas comme les autres, si tu t’amuses à l’école comme tes sœurs tu verras toi-même. Elles, elles savent sur quoi elles comptent… ». Ceci explique bien des choses dans les choix de ma vie. Mais ma grand-mère demeure le roc, le modèle de mon enfance.

Pourquoi ?

Je n’ai pas eu de connexion serrée avec ma mère, trop jeune quand je suis née. Je me suis donc attachée à ma grand-mère qui s’est occupée de moi après mon accident dont les séquelles demeurent jusqu’à ce jour : Je suis handicapée. Ma grand-mère n’a pas eu la vie facile :  enfant unique, mariée à douze ans, veuve remariée au petit frère de son défunt mari, comme le veut la tradition, n’avait aucun choix que d’accepter cette situation. Battante et très travailleuse, elle a été malgré tout, le pilier de la famille. A cause de ses dons de guérison et du succès dans ses affaires, ma grand-mère a été traitée de sorcière, tout comme moi.

Des musiciens ou photographes de par le monde qui vous laissent ébahie ?

Etant une chanteuse à voix, car je ne joue à aucun instrument, je dois dire que Whitney Houston, Mariah Carey, Miriam Makeba, Sally Nyollo et d’autres grandes voix encore sont celles qui m’ont donné envie de chanter. Pour la photographie je n’ai pas vraiment de référence en tête.

 Un dernier mot ?

Je suis heureuse d’avoir l’opportunité de présenter mon travail et ma vision des choses. Les femmes ont longtemps cru qu’elles n’étaient bonnes qu’à certaines tâches spécifiques. Avec l’évolution du monde et des mentalités, j’aimerais voir plus de femmes oser, libérer leur potentiel et s’exprimer librement sans peur d’être jugées. La tendance va vers ce résultat là et j’en suis très contente même si des barrières existent encore. Je pense également à mon autobiographie qui parle de la découverte de qui je suis, de mon évolution spirituelle, de mon rapport à la vie avec toutes les tribulations par lesquelles je suis passée; mes faiblesses et mes forces. J’y travaille doucement jusqu’au jour où je finirai…

Propos recueillis par Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

 

 

 

 

 

 

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