MARILENA LICA-MASALA – Rebelle, bohème, passionnelle et femme d’action

Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

MARILENA LICA-MASALA – Rebelle, bohème, passionnelle et femme d’action

Marilena Lica-Masala s’abrite derrière son travail, comme elle le dit si bien : En vous remerciant d’abord, chère amie et consœur poète, pour l’idée de ce dialogue, je souhaite vous dévoiler assez tôt un détail de ma personnalité : je n’aime pas parler de moi. Demeurant toujours derrière mon travail, c’est mon travail que j’ai mis en évidence, pas moi.Je suis qu’un humble serviteur de ma plume et de mes passions, notamment l’histoire et la poésie. Rebelle, bohème, passionnelle et femme d’action, j’ai mis dans le sac-à-dos de nomade l’esprit de mon village, les rêves de mes parents d’un état de bien-être pour son peuple, tout comme mes propres rêves d’enfance.

La poésie, un pays où habiter en esprit et en liberté ?

Ancienne lauréate et dévoratrice des livres, je me suis forgée sans me rendre compte un monde différent du monde réel. Ce monde à moi n’était pas mon refuge comme un golf pour les navigateurs fatigués, mais un brin d’étoile pour m’éclairer le chemin vers mon vrai pays où rêve, idéal et réalité puissent s’entremêler tous les trois en amour et avec une harmonie perfectible. Anguleux, ce chemin refusait de s’ouvrir à mon pas, à mon âme. Revêche, il marchait parallèlement avec moi. Des fois, il demeurait abscons. Il a fallu, alors, que je le creuse toute seule. Ce ne fut pas confortable. Mais, à ce jour, je suis contente, car le chemin existe, tout comme mes pays. Car, je n’ai plus un seul pays, celui-là natal. J’ai aussi un pays d’adoption – la France qui m’a inspiré et hébergé les ponts poétiques dressés entre la terre européenne et sa sœur africaine ou caribéenne. Là, à Paris, ma plume s’est épanouie et même l’amour de la découverte des choses inconnues, qui traînait dans mon âme, a pu se déployer. Découvrant la poésie contemporaine de l’Afrique, domaine auquel je songeais depuis mon enfance, j’ai attribué à cette poésie la valeur du pays de mon esprit. Et puis, c’est la poésie elle-même qui m’est devenue un pays sans bornes.

Vous êtes auteur ou écrivain : trouvez-vous une différence entre ces mots ?

Les coutumes de la langue française distinguent l’auteur de l’écrivain. Je dirais que tout auteur et écrivain est un scribe, un créateur, un artiste… Et je retiens le masculin pour les créateurs femmes…Si on regarde la bibliographie de mon travail, on va remarquer que c’est l’une de recherche, de mémoire, de création, de traduction, de journalisme culturel, d’essayiste, de rassemblement des poètes de cultures et langues différentes dans des anthologies. Scribe, auteur ou écrivain en polyvalence, je suis reconnaissante à ce métier car c’est lui qui m’a permis de vous rencontrer, Marie-Léontine ! De rencontrer aussi Alima Madina ou Liss Kihindou. Je ne peux pas ignorer dans ce contexte les poètes Jean-Blaise Bilombo, Léopold Congo-Bemba, Aimé Eyengué ou le journaliste Marie Alfred Ngoma.

Mais il y a aussi dans vos rencontres Paul Dakeyo et bien d’autres!

En effet et je souhaite évoquer la remarquable rencontre avec le grand poète, éditeur, sociologue camerounais Paul Dakeyo ou Jean-Claude Awono, poète éditeur lui aussi, tout comme d’autres poètes camerounais comme Jeanne-Louise Djanga que j’ai connue lors d’un salon de livre à Haÿ-les-Roses, dans la banlieue parisienne, ou bien Guillaume Ekoumé, El Loco de la Bassura, Pierre la Paix, Kemadjou Njanke Marcel. Ces derniers, je ne les ai jamais rencontrés, mais nous entretenons une correspondance amicale. Je ne peux pas quitter la terre sacrée de la littérature camerounaise sans évoquer la personnalité de Monsieur Ndam Njoya Adamou, tout comme le travail de Madame Hermine Patricia Tomaio Ndam Njoya.

Vous rencontrez plus souvent d’autres poètes comme Guy Cétoute…

Exactement et je vois régulièrement les poètes haïtiens Guy Cétoute et Dr. Daniel Talleyrand. Toujours liée à Haïti culturel à l’étranger : j’ai travaillé avec l’auteur Lovely Antoine, j’ai traduit des poèmes de Kerta Georges, de Maratou, de Solange Talleyrand, de Maguet Delva, Anderson Dovilas et d’autres Haïtiens. Et j’ai eu le privilège de travailler sur la poésie du feu Jean Métellus et du feu Gérald Bloncouert, deux des géants de la diaspora haïtienne.

D’autres noms que vous avez rencontrés ?

Je ne peux pas m’empêcher non plus de citer d’autres noms de créateurs africains aussi chers à mon esprit : l’historien béninois Dieudonné Gnammankou (l’un de mes éditeurs), le cinéaste Dom Pedro d’Angola, le sculpteur congolais Thomas N’dangani Mavambu. J’espère mettre en œuvre un projet littéraire bilatéral Haïti-Roumanie avec l’artiste Patrick Cauvin qui connaît déjà mon pays grâce aux projets artistiques avec l’artiste hongrois-roumain Stefan Balog.  Je dois d’ailleurs toutes ces magnifiques et incroyables rencontres à trois plumes, l’une haïtienne, l’autre camerounaise et la troisième congolaise : Maggy de Coster, Issange, Kiese Mboka. C’est l’effet d’avalanche qui a construit le reste.

Comment est née votre passion pour l’écriture ?

J’apprécie la subtilité de votre question, car, c’est vrai : on naît, on ne devient pas écrivain. Personne ne peut écrire sans porter dans ses tripes depuis toujours ce volcan qui va surgir un jour, malgré nous. Mon chemin vers l’écriture a été assez long. Dans ma tendre enfance, les familles pratiquaient un excellent exercice de mémoire pour leurs enfants. Très jeune, l’enfant devrait apprendre par cœur de petits poèmes folkloriques ou littéraires, et les déclamer en famille, lors de la venue du Père Noël, par exemple, et plus tard, sur la scène de la maison culturelle de mon village. Ce fut aussi mon cas.  J’ai grandi dans une famille ou la culture générale et la lecture étaient des exigences sine qua non. J’étais d’abord déclamatrice, tout au long de mon enfance, et lectrice. Adolescente, j’ai découvert le silence, le besoin de recul du monde, le pli sur mes voix intérieures, l’interpellation, le songe, les rêveries, la réflexion.

Et vous avez quitté votre village mais jamais la passion d’écrire !

Lorsque j’ai eu 15 ans, j’ai dû quitter mon village pour continuer mes études. Cette séparation de mes parents, de mon village, de mon oasis qui me rassurait, où j’étais connue, où j’avais ma petite célébrité, m’a déchirée. J’envoyais à mes parents ou à mes amies des lettres pathétiques et tristes. Ma mère, qui les gardait précieusement, fut la première à m’encourager écrire. Mais, je me disais que pour écrire, il faut avoir quelque chose à dire au monde. Or, à l’époque, j’étais encore à la recherche de la sagesse des sages. Je nomme « sages » les écrivains qui ont marqué mes lectures formatrices. Plus tard, vers mes quarante ans, et grâce à la chute de la dictature, j’ai pu exercer en sociologue et journaliste. J’ai fondé mon propre bureau de recherche en sociologie. Ce travail à mon compte m’a permis un certain rapprochement du milieu culturel et journalistique de ma ville. J’ai tenté un travail en équipe, dans la presse écrite. Mais, les réunions et le vacarme de rédaction, tout comme la rémunération infime m’ont forcé de quitter assez vite le statut d’employée et de retourner à celui-là en free-lance polyvalent. J’ai commencé à écrire, interviewer, publier à mon compte.

Et vous est venue l’idée de fonder une émission télévisée ?

En parallèle, oui, j’ai fondé une émission télé auprès de l’antenne locale d’une chaîne nationale. Parmi mes invités, j’ai eu un jour un heureux survivant d’Auschwitz. Le récit de sa vie depuis son enfance jusqu’à la libération des camps d’extermination et de travail forcé en 1945, tout comme ma propre documentation durant quatre ans à ce sujet, ont signé l’acte de naissance de mon premier livre. Depuis, d’autres thèmes et titres se sont enchaînés, car cette fois-ci je n’avais plus de barrières intérieures pour m’exprimer. Au contraire, je voulais dire ce que j’avais à dire. Recueils de théâtre, prose, traductions, anthologies bilingues, interviews, folklore de mon village ont vu le jour. Ayant derrière moi un vécu de plus de 20 ans d’aventure littéraire, j’ose me présenter à ce jour en écrivain et je n’hésite pas de dire ce que j’ai à dire. Car, pour faire avancer les sociétés, il faut être honnête, sincère et mettre le doigt sur ce que fait mal et non pas complice au mal. L’acupression est un excellent remède…

 Vous publiez souvent des anthologies d’écrivains romains et africains, romains et européens. Racontez-nous la genèse de cette histoire !

C’est mon côté de pionnier, tout comme mon besoin de fraternité qui s’expriment. Je dois ce projet littéraire de rassembler des poètes roumains et francophones de cinq continents aussi à un autre rêve d’enfance : celui-là d’aller un jour au-delà des frontières de mon pays pour découvrir le monde. J’ai eu cette chance de découvrir Paris. Ce n’est pas mon mérite. Je cherchais le chemin vers Rome et mon chemin m’a déposé à Paris. Vu la présence multiculturelle qui épanouit les rues parisiennes, vu d’autres sensibilités sociétales, la sociologue que je suis a décrété : « Voici une capitale qui favorise un travail de rapprochement international. » J’ai choisi la traduction de poésie contemporaine. Car, les poètes, comme les musiciens, se rassemblent plus facilement, malgré le narcissisme qui leur est propre. Tout à fait naturellement, toujours loyale à mes songes d’enfance et en mémoire de mes parents qui étaient animés par ces sentiments d’altruisme et de dévouement vers autrui, je me suis concentrée sur l’étude et la traduction de la poésie contemporaine francophone la moins connue dans mon pays natal : la poésie africaine et caribéenne.

 Vous sentez-vous heureuse dans cette collaboration et partage d’expériences ?

Je vous confie encore un secret de ma personnalité, devenu l’axiome de ma conduite : sans affection, passion, amour et bonheur, je ne donne point de mon temps ni de mon cœur à aucun projet, travail, individu. Tout ce que je suis et tout ce que je fais sont soumis à cet axiome. Le revers, d’avoir croisé des confrères poètes, voire artistes, qui ont tenté de profiter de cette vision fraternelle, de dialogue et constructive à moi sur les relations interhumaines, est leur malheur, pas le mien. C’est triste de constater qu’il y a des arnaqueurs parmi nous, les créateurs et c’est dommage. La caste des créateurs ne devrait pas être touchée par les ombres des ténèbres, car, la plus importante des lois humaines non écrites enseigne et ordonne : « Ne fais pas mal à ton semblable ». Pourquoi ce commandement ? Car, par son geste malheureux, l’auteur du mal coupe une branche de l’harmonie sur la Terre. L’Afrique ne doit pas importer les modèles nocifs de l’Europe. Je ne veux pas tarder sur ce sujet des arnaqueurs. Ils sont une tache sur la joue de l’Humanité. Je le nomme juste pour la mémoire. À part cette réflexion, ces quelques tristes expériences n’ont pas réussi à m’éloigner de la série de mes anthologies Afrique-Roumanie-Caraïbes. J’ai ralenti juste le rythme des traductions et de publications, mais je n’ai pas abandonné cette belle construction.

Qui est « De Teiu » pour vous ?

Un hommage à mon village, Teiu, sur Mozacou, Tei(u) signifiant tilleul, et à ma famille. J’ai créé mon surnom de plume poétique Luli de Teiu juste pour perpétuer l’image de cet âtre ancestral de ma famille, Teiu, dont les premières pierres ont été mises pendant le néolithique, selon les découverts archéologies.

Que représentent pour vous « Les Arts Métis de France » ?

Les Arts Métis de France, en abréviation LAM de FRANCE est un concept associatif dédié à l’harmonie, invitant au dialogue entre les nations et les communautés, où Métis est la déesse de l’intelligence chez les Hellènes et les arts représentent symboliquement l’âme de la France, mais aussi du monde. C’est l’art qui rassemble et rapproche les hommes des cités, pas les guerres.

Des projets ?

Les projets ne manquent pas… Je me propose de transférer l’ensemble de mon travail littéraire international de Paris à mon village. Tout comme de fonder une école d’été dans mon village et de vous inviter chaque été vous mes amis poètes et artistes enseigner l’écriture aux enfants de mon village.

Un dernier mot ?

« Je ne suis pas Africaine, mais j’habite la poésie africaine », (sourire). Il y a encore des choses à dire, à graver, à travailler pour que la paix, l’amour fraternel, l’harmonie gagnent le Monde et ces mots ne demeurent plus un simple souhait. Et c’est un travail à nous tous. Mes pensées s’adressent humblement à ma mère, à vous, Marie-Léontine, et à toutes les femmes de notre Terre qui osent accomplir leurs rêves d’enfance. Moi-même j’ai eu pour modèle de courage, de construction, d’abnégation, de dévouement, d’altruisme et d’action ma mère. Je vous embrasse en toute fraternité, en espérant que nous allons parvenir nous rencontrer vraiment ! Si loin et de si proche !

 Propos recueillis par Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

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