FRÉDERIC GANGA – Un autre sang sans douleur

Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

FRÉDERIC GANGA – Un autre sang sans douleur

Né à Lyon en France, Frédéric Ganga a vécu en Haute-Savoie de 1966 à 1982 avant de partir faire des études à Paris, Londres et Wiesbaden (European Business School, qui existe toujours). Mais la Poésie était bien plus forte que le commerce, alors il a toujours travaillé pour garder du temps pour la poésie. Depuis 2001, il est à La Ciotat, au centre-ville, où il retrouve l’esprit du village haut-savoyard de sa jeunesse, Arthaz-Pont-Notre Dame.

Comment vous est venue l’idée d’embrasser cette profession ?

La Poésie m’a trouvé un soir d’octobre 1980. J’avais 16 ans, l’âge où tout fait sens et miroite. J’étais dans mon collège-lycée Saint-François à Ville-la-Grand, près de la frontière suisse, en ce qu’on appelait alors classe de correspondance, c’est-à-dire d’étude. Je ne me souviens plus de ce que j’étudiais, mais ce dont je me souviens, c’est d’avoir reçu mon premier poème. Il a coulé en moi, et depuis, je sais ce que j’ai à faire : me mettre dans des conditions telles que le poème revienne en moi.

Continuez-vous à l’exercer jusqu’à ce jour : quelles sont les joies rencontrées et les améliorations que vous aimeriez vivre ?

Être poète, hélas, n’est pas une profession dont on peut vivre financièrement, j’entends par la simple écriture de poèmes. Il faut être performeur, comédien, devenir artiste de scène. Mais celle ou celui qui veut simplement porter le Verbe aux moments opportuns doit gagner son pain d’une autre façon. Je suis donc également guide joyeux du centre-ville de La Ciotat et de son parc du Mugel, animateur de jeux de rôles, écrivain public et transporteur d’enfants handicapés. La joie, la propagation de la joie, est immense. Pour les améliorations, ce serait de ne pas finir comme la cigale devant la fourmi. En ce moment, l’été n’est pas fini, je danse.

Mais le monde de la création littéraire vous intéresse : quand aviez-vous ressenti cet intérêt ?

J’ai commencé à lire tout jeune, mais l’idée de la création littéraire ne s’est faite jour qu’à la fin de la vingtaine, aux débuts des années 1990, par la publication de recueils de poèmes au sein d’une association parisienne, La Cyclade.

Les influences des rencontres vous ont donc marqué et à votre tour vous aviez commencé à écrire : de la poésie, des romans, des contes ou du théâtre ?

Je n’écris que de la poésie. J’ai voulu me frotter au roman et au théâtre, mais c’était très forcé et très mauvais. La poésie coule limpide, c’est un autre sang sans douleur. C’est également la première parole, celle qui nomme les êtres et les choses bien avant l’invention de l’écriture et celle qui donne son symbole secret à toute existence.

Si rien de tout cela : comment êtes-vous arrivé à animer les rencontres culturelles qui font de votre vie, une vie au service de la culture en général et de l’écriture en particulier ?

C’est une bonne question. Je crois qu’il y a à la fois une envie et un vide. On se dit : « Pourquoi personne ne propose-t-il cette action dans cette ville ? » Et on y va. Il y a eu ce merveilleux Festival de Poésie Partagée de 2003 à 2018 mené avec l’extraordinaire femme de ma vie Isabelle Ganga, les improvisations dans les rues de Paris avec Patrice Cazelles mon compère, le Festival « Poèmes vivants » dans les campings avec Isabelle, encore elle, et Lionel Mazari dont j’apprécie hautement la poésie. Aujourd’hui, ce sont les cafés-poésie du bar de La Renaissance à La Ciotat et des exercices de voyance poétiques de temps à autre, dernièrement lors de la formation d’un Collectif d’Actions Culturelles à La Ciotat (Juillet 2020). Avec l’âge, on se sent responsable de la transmission de la poésie et de la culture, on veut mettre aux plus jeunes le pied à l’étrier.

Et il y a un an, vous aviez, avec l’écrivain Liss Kihindou publié l’anthologie poétique  « Dis à la nuit qu’elle cache son visage » : une anthologie en plusieurs langues !

Oui, c’est là l’absolue conclusion du Festival de Poésie Partagée. J’ai invité Liss et je lui ai proposé cette œuvre, cette anthologie multilingue, un ouvrage qui fasse chanter non pas quelques langues dominantes, mais de nombreuses langues du Congo-Brazzaville. Avec le réseau de Liss et la parfaite complicité entre nous alors que nous avons travaillé sur l’anthologie à 800 kilomètres l’un de l’autre, nous avons réussi !

Comprenez-vous toutes langues du Congo Brazzaville : racontez-nous cette palpitante création du « visage de la nuit ». Combien de temps avez-vous mis pour produire le texte final ?

Je ne connais aucune langue du Congo Brazzaville. Je suis monolingue ; à part la langue française, que j’espère maîtriser convenablement, je parle un peu anglais, très peu allemand, trop peu italien ou espagnol ou provençal. Lorsque le travail de sélection et correction des poèmes a été terminé, j’ai proposé des morceaux de vers des poèmes présents dont : « Dis à la nuit qu’elle cache son visage » de Gaël Wilfran Zalamou. C’est ce vers qui a été retenu. Mon poème introductif et la préface ont été réalisés rapidement, sous le coup de la joie de la lecture de tant de textes différents.

Que disent ces textes de ces auteurs -combien étaient-ils- qui ont répondu à votre appel au projet ?

Une trentaine d’auteurs ont répondu. Les textes, et c’est pour cela que le titre choisi correspond, parlent souvent de la dictature et de ses corollaires : meurtres, pillages, peur, haine…mais aussi d’un espoir, le fameux espoir invaincu des poètes : rebâtir la vie en paix, célébrer l’amour, rappeler la glorieuse histoire du royaume Kongo…

Quelles sont les impressions qui vous hantent encore ?

Du fait de ma nombreuse parenté au Congo, celles qui rappellent la disparition d’êtres proches, des visions cauchemardesques, mais aussi des visions de beauté supérieure, d’une beauté appelant à la réconciliation et à l’amour. Enfin, l’espoir d’un monde sans langues supérieures ni inférieures.

Une troisième personne a participé avec vous car elle avait rédigé des questions pour les auteurs : comment vous est venue l’idée de ces questions ?

Mon épouse Isabelle avait commencé à interroger des poètes lors du dernier festival de Poésie Partagée : Mathieu Gabard et Ioan T. Morar. Elle a donc tout naturellement eu l’idée de poser des questions aux poètes de l’anthologie congolaise.

Avec la pandémie qui sévit dans le monde le lancement du livre s’est fait en ligne avec ZIANA TV : totale satisfaction ou êtes-vous resté sur votre faim dans la mesure où les lecteurs n’ont pas pu participer à cette rencontre ?

Une grande frustration, au moment où Liss et moi avions posé toutes les dates à La Ciotat et Paris, et où nous envisagions également des dates à Marseille, Toulon, Aix-en-Provence et Bruxelles, tout a été annulé. Pour l’instant, j’ai réussi à organiser une rencontre à La Ciotat, le 27 juin, au local de l’association Hic et Hoc, grâce à la présence du conteur congolais Jorus Mabiala.

D’autres rencontres virtuelles ou réelles en perspective ?

Marseille et Paris « en vrai », mais aucune date n’est possible pour l’instant, la situation sanitaire nous empêche de programmer des soirées de lancement. Je ne suis pas un adepte du virtuel, je le trouve anti-poétique au possible.

 Des projets ?

Oui, une anthologie personnelle de 40 ans de poésie « 1980-2020 » qui comptera plus de 400 poèmes. J’ai enfin terminé la sélection des poèmes et demandé à des amis de mettre leur « grain de sel » dans l’anthologie. Il me manque le titre, qui devrait être assez joyeux.

 Un dernier mot ?

Un grand merci pour votre sollicitation. Le poète est souvent seul et l’appeler de temps en temps lui procure un grand bien.

 Propos recueillis par Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

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