Titha Eyenga – Commencer petit et grandir
TITHA EYENGA
Titha Eyenga, une romancière qui se dit : « un réceptacle de la nature, un genre et une identité civile mais se sent pluriel en Titha Eyenga. » Curieuse et vive, elle s’est forgée un avenir à la force du poignet pour célébrer la vie, dire l’histoire, dire l’Afrique, l’héritage qui doit continuer de nous faire vivre.
Seriez-vous toujours médecin si vous n’aviez pas été encouragée par vos parents?
Je n’ai pas été encouragée par mes parents, mais l’envie de savoir me soigner avant de soigner les autres, j’ai découvert la médecine dans les maux qui mangeaient mon corps et mon âme et j’ai décidé très jeune d’être médecin et mes parents m’ont suivi.
Sinon comment est née votre passion pour la médecine et quelles sont les difficultés rencontrées lors de votre parcours scolaire, internat et le choix de votre spécialité? Pourquoi avoir choisi cette spécialité?
Ma passion de la médecine s’est confirmée parce que j’étais une petite curieuse, je voulais comprendre le mécanisme des plaies, de la guérison des plaies, toutes les plaies, connaître l’histoire de la maladie et les clés de la guérison, j’ai donc souffert pour être mon propre rat de laboratoire en suivant pas à pas les médecins qui me suivaient, puis j’ai choisi d’être dans les urgences pour mieux connaître les protocoles rapides d’une ressuscitation médicalement parlant et les procédures pour éviter de tomber dans les urgences ensuite j’ai dupliqué tout ceci dans toutes mes vies, les publiques et les intimes dans la patience que mon esprit ne connaît pas.
Vous souvenez-vous de votre première journée en tant que médecin? Dans quel hôpital? Quelles sont les conclusions tirées de cette première rencontre avec vos patients?
Oh oui, comme hier, Cliniques Universitaires, département de médecine interne avec des maîtres de fer, tenue impeccable et une claque ! Une jeune dame qui m’a été confiée pour amaigrissement de plus d’un mois, nausées, vomissements, douleurs abdominales… J’ai fait l’anamnèse et l’examen clinique selon la sémiologie apprise, mais j’ai oublié de poser la QUESTION, la date de ses dernières règles, ce qui a faussé toute ma procédure puisque au-delà de mes diagnostics différentiels, cette femme en Âge d’activité sexuelle était simplement enceinte avec des signes gravidiques évidents, j’ai donc été chassée ce jour et la malade a été transférée au service de gynéco-obstétrique pour une meilleure prise en charge. J’ai appris qu’il fallait commencer petit et grandir, poser des questions simples et apprendre plus, regarder différents angles pour mieux voir, quitter sa connaissance infuse pour apprendre de l’autre aussi simplement que ça. Depuis ce jour, j’ai aimé la médecine différemment.
Médecin, vous servez dans l’humanitaire : un défi, une vocation, une opportunité bien fondée pour s’ouvrir à l’autre?
La médecine est un savoir-être, un savoir-vivre et un savoir-faire, jamais l’un sans les deux autres. Chacun a une parcelle de pouvoir dans son domaine de compétence pour changer le monde. J’ai choisi de soigner l’humain dans sa complexité. Je prends donc plaisir dans ma VOCATION, à accomplir ma tâche avec passion pour faire ma part sous le soleil. Les défis, c’est de mettre un pas devant l’autre et continuer de mettre un sourire à la fois sur chaque visage rencontré. Le monde commence par un seul et du seul est venue la multiplication, voilà mon défi quotidien.
Qu’aimeriez-vous faire pour vouloir et pouvoir soulager les souffrances des malades?
J’aimerais toujours dire la vérité à mes patients pour qu’ils fassent face à la vie avec confiance et face à la mort avec courage. La vérité soulage toutes les souffrances en expliquant avec bienveillance les étapes d’un bonheur devant la vie ou la mort dans toutes leurs formes.
Être médecin et humanitaire vous empêche-t-il d’assouvir votre soif des voyages?
Le premier voyage est intemporel dans soi-même, sans imaginaire parallèle à notre enveloppe corporelle limitée, la soif du voyage reste intacte. Rien ne m’arrête, je voyage tout le temps puisque j’ai voyagé dans mon imaginaire pour vous rencontrer afin que cet entretien soit agréable à nous deux.
Qu’aimez-vous donc dans les voyages?
Découvrir l’autre dans son humanité et dans son environnement multiple et varié, avec ses larmes et ses rires, ses maux et ses mots, ses faiblesses et ses luttes, l’accepter tel qu’il est dans sa différence de vues, de genre, de penser… L’humain pour moi représente le monde, il m’apprend à dompter d’autres natures.
Outre le fait d’être médecin et dans l’humanitaire, vous excellez aussi en tant que conseillère conjugale : en quoi cela consiste-t-il particulièrement?
Exceller, je ne le dirai pas ainsi, je dirai que j’apprends de mes clients, ils brisent mes idées reçues et agrandissent ma pensée subjective en répondant à tous mes pourquoi, avec ce travail en plus, j’ai découvert le pouvoir des mots, le pouvoir de l’homme de créer et de tuer, la joie d’être le réceptacle et le courage de continuer à accompagner, c’est un monde complémentaire à mon premier travail, je ne fais que continuer mais de manière plus holistique.
Les couples viennent-ils vers vous ou vice-versa?
De nature, je suis bavarde et je me tais de temps en temps pour entendre mes patients, en riant je dis quelque chose qui ouvre le chemin à la confidence et voilà. Généralement, à la sortie de mon cabinet ou maintenant après une téléconsultation (rires), le patient fait le reste du travail et me ramène un membre de famille, un(e) ami(e ) pour la suite.
Quelles sont les langues qui font de vous une parfaite polyglotte? Comment est né votre amour pour les langues des autres, vous aident-elles dans vos multiples fonctions?
Les langues des autres te font rentrer dans un autre univers où tu vas connaître l’autre dans son naturel, sans artifices. Apprendre une nouvelle langue c’est aussi aimer l’autre dans sa différence, c’est un cadeau inestimable. J’ai oublié certaines par manque de pratique, je pratique d’autres par amour dont le turc qui est totalement différent des langues romanes, il faut beaucoup d’amour pour le parler.
Des droits et des devoirs : un duo détonant et on a l’impression que les droits sont réservés aux hommes et les devoirs aux femmes : comment en plein 21e siècle peut-on encore vivre cette discrimination?
Vous savez, on modifie le récit d’une conversation banale au détour d’une rencontre pour servir ses intérêts, mais cela peut nuire à une réputation à vie. C’est comme jouer le rôle du méchant dans un film que quelquefois les humains oublient que tu étais dans une fiction et que ta réalité est différente de la télévision. Voilà comme les mythes naissent… La femme ne mange pas le singe pendant sa grossesse sinon son enfant va lui ressembler, le gosier du poulet est réservé au chef de famille jusqu’au point où ma mère en a mangé pour la première fois à 50 ans, 1 kg acheté chez un boucher à Balikesir. Voilà comment naissent les lois, les droits et les devoirs, avec le temps, à force de les répéter et de les vivre, tout devient normal, naturel et vicieux. L’abus s’installe à ce niveau et privilégie une partie de la population (les hommes) en leur donnant la place des Alpha et l’autre partie entre automatiquement dans le service (les femmes) qui ne sont même pas des omégas mais des lambdas qu’on peut prendre, violenter, abuser, chasser, engrosser, abandonner au vu et au su des lois, des parents, des églises, des mosquées… L’omerta.
Alors, pour avoir vécu ma vie, casser ce cycle en éduquant mon fils et tous les hommes que j’ai rencontrés dans ma vie est un combat à mener jusqu’à la mort. Dire à la jeune fille et à la jeune femme que sa vie a de la valeur est un but à atteindre à tout prix.
Pensez-vous que cela changera bien un jour?
Aucune situation dans le temps n’est restée statique, tout se transforme, même les empires les mieux organisés disparaissent. La femme va juste reprendre sa place de gardienne de la terre, elle va juste continuer à donner l’amour comme elle sait le faire. Je salue toutes celles qui ont lutté pour qu’aujourd’hui j’aie la liberté d’échanger avec toi.
Et dans cette course contre la montre, vous trouvez le temps d’écrire : votre premier roman Monologue pour survivre, (même pas vivre) vient d’être publié aux éditions Lakalita. De quoi s’agit-il exactement dans ce livre et combien de temps avez-vous mis pour l’écrire?
J’ai toujours écrit mais j’attends la mort de plusieurs pour publier, pensant les protéger derrière des mots assumés après leur départ, mais je me suis rendu compte que c’est moi qui vieillissais. Il y a des manuscrits qui tournent autour de moi depuis toute petite, c’était le seul moyen pour moi d’être moi, mais j’ai attendu le temps qu’il fallait parce qu’après ceci, rien ne pourra plus m’arrêter. Ce monologue pour survivre a commencé depuis quelques années, un autre brouillon comme les autres, qui a pris vie à sa lecture par une dame merveilleuse qui m’a convaincue de publier depuis 2018. Je me fouillais parce que je ne savais pas comment cette femme à l’intérieur de moi serait perçue par la société telle que nous la connaissons aujourd’hui, agressive et tellement intrusive?
Survivre oui, vivre pas encore… J’ai donc monologué pour exorciser les maux occultés, ranger les mots et continuer les combats déjà en cours…
L’histoire de ces héros et héroïnes est-elle basée sur des faits réels observés lors de vos voyages ou est-ce de la pure fiction?
La fiction est un fruit d’un esprit fécond basé sur la vérité prémonitoire ou la modification d’une vérité vécue. L’essentiel ici est que le lecteur se retrouve et s’identifie dans ces lignes qui peuvent être les siens. Les voyages sont les catalyseurs de la fiction, ils ont fécondé mon esprit disposé.
Comment venir alors à bout de ces fléaux qui touchent la planète?
La vérité, juste dire les choses telles qu’elles sont, repartir nos charges et permettre à tous un monde meilleur, mais est-ce possible avec l’humain? Je ne voudrais pas perdre espoir sans essayer alors je commence déjà dans mon cercle de pouvoir, et je fais ma part en incitant les autres aussi à l’action et de proche en proche les choses vont bouger.
Pourquoi monologue pas dialogue pour laisser aussi aux autres la possibilité de partager leurs rêves, leurs expériences?
Le monologue est une conversation de sa bouche à ses propres oreilles, on y entend des choses qui réveillent notre âme et notre esprit, après le dialogue s’établit.
Monologue aussi pour permettre à chacun de se parler et d’aller revisiter sa vie dans ses recoins et trouver sa voie dans le brouhaha de tous les jours. Il y a eu beaucoup de silence pour écrire monologue.
Survivre ne serait-il pas de tenir bon face aux tribulations de la vie pour faire fi à la solitude et continuer à espérer vivre, ensemble, des lendemains meilleurs?
Survivre est tridimensionnel pour moi, face à soi, face à autrui, face à l’univers, on ne survit pas qu’au danger visible, à la faim, à la soif ou à la violence extérieure, mais on survit aussi aux luttes internes et aux choix incompréhensibles de notre moi sublimé… Je ne sais pas encore si on gagne à cette bataille-là.
D’où vous est venue l’idée d’écrire ce premier livre? Un autre en route?
L’idée d’écrire a toujours existé mais la décision de me jeter est venue l’année dernière 2020, j’ai fait un rêve prémonitoire et le matin j’ai sorti mes brouillons, j’ai pris contact avec la directrice de Lakalita et voilà comment est né ce projet aux allures précipitées. Un sage m’a dit que l’écriture est un amoureux qui fait l’amour du matin au soir, il ne précipite pas et jouit avec bonheur. Je prendrai humblement la mesure du retour de ce premier livre et je continuerai à mon rythme à construire mes projets sereinement et quand je serai prête, je partagerai ma joie avec vous.
Quelle est la place de la lecture dans votre quotidien?
La lecture est un accessoire indispensable pour moi, comme le rouge à lèvres, je l’achète avec recherche, j’admire ses couleurs arc-en-ciel, je touche ses contours indescriptibles, je pénètre dans les mondes parallèles pour retrouver ses sens, je me délecte à sa vue, j’en redemande encore et encore. La lecture m’a sauvé la vie, une autre histoire à raconter…
Un conseil, un souhait?
Une bibliothèque dans chaque école, des colloques des réflexions avec nos garçons et nos filles, de la poésie pour chaque esprit, des fous rires après des chaudes larmes, une main tendue pour toute âme dans le besoin, un geste d’amour pour un inconnu, une danse pour célébrer la vie… Écrire pour nous-mêmes, pour l’Afrique, pour nos enfants, pour l’héritage…
Propos recueillis par Marie Léontine Tsibinda Bilombo
4 réponses
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