Abdon Fortuné Koumbha Kaf : L’humain au centre de tous nos projets
Abdon Fortuné Koumbha Kaf
Abdon Fortuné Koumbha Kaf est né à Pointe-Noire. Il a étudié la littérature et la civilisation africaines à l’université Marien Ngouabi de Brazzaville. Il a par la suite suivi la formation « Diffuser et Vendre un spectacle vivant », en France. Conteur, comédien, metteur en scène, opérateur culturel, il est également directeur de l’Espace Tiné (Centre culturel et Social) de Dolisie, au Congo-Brazzaville, et du Festival Dol’En Scène ou la Biennale des Petites Formes Théâtrales de la même ville.
Comment est née la passion de la culture et des arts dans votre vie?
Je peux dire que cette passion est née du fait de voir les ainés que j’avais, faire du théâtre au CFRAD (Centre de Formation et de Recherche d’Art Dramatique) à Brazzaville au milieu des années 80. Tout compte fait, je pense vraiment que l’art de conter et de raconter des histoires vient de ma famille. Né après deux filles, j’étais le fils que mes parents désiraient et ma mère me racontait des histoires pour me bercer. Elle est décédée quand j’avais juste 9 ans. N’ayant pas de télévision à la maison, notre père nous disait des contes tous les soirs pendant plus de deux ans. Ces contes m’ont façonné, ont développé et finalement allumé mon imaginaire.
Peut-on dire que la culture et les arts sont devenus votre deuxième respiration?
Je me permets même de dire que c’est ma première respiration, parce que j’ai passé la moitié de ma vie sur cette terre à faire de l’art qui est devenu mon métier. Tout ce que j’ai et que j’ai pu réaliser vient de cette exaltante respiration artistique.
Vous vous installez en France et votre vie change complètement : le monde des arts vous sourit et le théâtre devient votre pain béni : vous participez à des créations de spectacles : quelles sont les créations les plus marquantes de votre répertoire?
Ma vie a basculé positivement quand j’ai remporté en 2001 à Ottawa, la médaille d’argent en conte au Jeux de la Francophonie. J’ai eu un agent qui s’est occupé de ma carrière en France pendant deux ans. Au fil des jours, j’ai rencontré des bonnes personnes sur mon parcours artistique. Bien qu’installé en France, je ne me suis jamais coupé de mon pays. Comme dit le proverbe : « On ne peut pas aller loin si de temps en temps, on ne jette pas un regard d’où l’on vient ». J’ai continué à développer des projets artistiques au Congo avec d’autres collègues et amis.
Que nous réserve l’année 2024 en matière de créations artistiques?
Mes activités artistiques en 2024 sont très variées et déjà bien définies. J’ai commencé l’année en toute beauté par une animation d’ateliers de contes et spectacles en Guyane, du 10 au 31 janvier.
Février a suivi (du 19 au 28) avec la première phase de la résidence d’exploration du spectacle « Je suis à prendre ou à laisser », un texte de Bérékia Yergieau. J’assure la mise en scène, en France.
Mars est arrivé, (4-14), avec la résidence au CDN de Rouen et participation au festival des langues françaises avec « À cœur ouvert », texte d’Éric Delphin Kwégoué.
Ma participation au festival les Zébrures de printemps à Limoges a eu lieu du 21 au 23 mars et celle
du Festival Internacional de Teatro Progresista Venezuela, avec le spectacle « Congo Jazz Band », un de
texte de Moahamed Kacimi avec la mise en scène de Hassane Kouyaté, s’est déroulée du 27 au 31 mars.
Vous menez au pas de course le premier trimestre de 2024!
Et ce n’est pas fini! Se poursuivra, du 02 au 12 avril, la deuxième phase de résidence de la création du spectacle « Je suis à prendre ou à laisser », mais la résidence a lieu cette fois-ci, à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
Ensuite, à partir du 13 et ce jusqu’au 20 avril, je participerai au Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan (MASA), car je suis membre de la Commission Artistique Internationale, (CAI), du festival d’Abidjan.
Je suis attendu à l’Institut français du Mali (du 22 au 27 avril) avec le spectacle « 4 heures du matin » d’Ernest Gaines, dans une mise en scène de Hassane Kouyaté.
La dernière phase de la création du spectacle « Je suis à prendre ou à laisser », aura lieu du 28 avril au 5 mai au Goethe institut d’Abidjan.
Kinshasa m’accueille du 10 au 21 mai pour des animations d’ateliers de contes organisées par la Compagnie Tam-Tam Théâtre.
Du 27 au 31 mai il y aura ma participation au festival Compto’Art à Douala au Cameroun avec le spectacle « Je suis à prendre ou à laisser », un texte de Bérékia Yergieau, dans une mise en scène de votre humble serviteur.
L’avion devient littéralement votre demeure!
C’est le cas de le dire. Je m’envolerai pour Kinshasa en RDC où je resterai du 2 au 7 juin pour participer au « Festival Ça se passe à Kin », avec le spectacle « Je suis à prendre ou à laisser ».
Je passerai par le Congo-Brazzaville et séjournerai à Dolisie pour des activités au centre culturel Tiné. Ensuite je repartirai en France où je suis invité au festival de contes à Poitiers, le 6 juillet.
Un peu plus tard, viendra la participation au festival d’Avignon pour des lectures publiques
du texte « À cœur ouvert » d’Eric Delphin Kwégoué, du 15 au 17 juillet.
Après les lectures du 15 au 17 juillet, je prendrai un temps pour souffler et le train des activités
reprendra sa marche du 04 septembre au 05 octobre par une résidence de création du spectacle « À
cœur ouvert » d’Éric Delphin Kwégoué. Ce texte a remporté le prix RFI théâtre 2023. Il sera mis en
scène par l’auteur cet automne au festival « Les Francophonies, des écritures à la scène », à Limoges.
Vous animez aussi des ateliers de contes vers quels rivages vous conduisent-ils et comment procédez-vous pour les accomplir? Un but particulier à atteindre ?
Comme je l’ai dit plus haut, j’ai animé en janvier 2024, des ateliers de conte en Guyane. Du 10 au 21 juin, je serai dans la ville de Kinshasa pour d’autres ateliers. J’ai formé et accompagné plusieurs conteurs au Congo parmi lesquels : Jules Ferry Moussoki « Conteur médaillé d’or des jeux de la Francophonie à Abidjan 2017 », Doriens Kaly « Conteur médaillé de bronze des jeux de la Francophonie à Nice, en 2023 ». En juin 2023, j’ai animé des ateliers de conte à Fort de France en Martinique. Mon but principal est de partager la belle parole conteuse. Ne dit-on pas que le conte c’est le plus grand voyageur ?
Que vous apprend la pratique de la mise en scène? Combien de pièces montées et sur quelles bases? Comment choisir les comédiens, les costumiers, toute l’équipe qui travaille au spectacle?
Je pense pour ma part que l’art ne se fait pas qu’avec des idées. On part toujours d’une ou de plusieurs idées pour les matérialiser. Ce qui me plait dans ce métier, c’est de provoquer le « déplacement ». La pratique de la mise en scène me permet d’apprendre dans l’humilité à matérialiser mon rêve en tenant compte des propositions de tous les membre de l’équipe artistique. Elle m’apprend à tenir compte de la réalité du plateau. Ce plateau qui favorise la confrontation des idées de tous les corps de métiers. J’ai déjà monté une dizaine de pièces. Ces dernières années, je passe des commandes de textes, car j’ai envie de raconter des choses en traitant des sujets qui me préoccupent. Jusqu’à maintenant, je ne travaille qu’avec des artistes dont je connais le travail : interprètes ou techniciens.
Le cinéma vous intéresse-t-il?
Oui, mais je n’ai joué que dans un court métrage « Dossier sans suite », réalisé par Marc Havard Duclos. J’ai joué le rôle principal. Il y a plus de deux décennies aujourd’hui!
Cependant je continue d’assurer des rôles importants au théâtre et je m’émerveille encore de mes rôles dans le spectacle « 4h du matin », par exemple, où j’incarne plusieurs personnages, moi seul. Le texte est d’Ernest Gaines, la mise en scène fut signée par Hassane Kouyaté.
Que représente le mot festival dans votre vie d’artiste : quelles sont les participations les plus épiques de votre carrière?
Le festival, en ce qui me concerne demeure un moment extraordinaire de rencontre, d’échange et de partage. Un moment merveilleux qui permet d’imaginer des collaborations futures. J’ai participé à plusieurs festivals de théâtre et de conte à travers le monde. J’ai apprécié jouer à la Carrière de Boulbon à Avigon avec le spectacle Shéda, texte et mis en scène de Dieudonné Niangouna : ce moment résonne en moi, inoubliable dans ma vie d’artiste. Le festival d’Avignon demeure pour moi le festival l’une des plus importantes manifestations internationales du spectacle vivant contemporain.
Aviez-vous eu l’occasion de participer aux rencontres du MASA, ce festival d’Abidjan?
Oui, j’ai participé au Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan (MASA) en tant que comédien, professionnel et cette année, je participerai en tant qu’Expert, membre du CAI (Comité Artistique International), fonction que j’occupe depuis septembre 2023.
Peut-on parler des nominations que vous jugez bien méritées le long de votre parcours? Valorisent-elles votre travail et vous donnent-elles la force de continuer?
Effectivement, je sais mon travail valorisé et tout ce parcours me donne la force de toujours viser plus loin. J’ai été entre autres : Expert de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) de 2012 à 2018 à la CITF (Commission Internationale du Théâtre Francophone). J’ai été également Membre du jury des 9èmes Jeux de la Francophonie à Kinshasa en juillet-août 2023. La liste des nominations est longue…
Vous aviez construit un espace culturel et artistique à Dolisie, au Congo Brazzaville : un espace pour partager votre expérience et montrer que les arts sont une véritable source de création, de liberté et de force ? Pourquoi un tel espace?
L’espace culturel a été crée et se nomme Tiné. J’ai lu quelque part, que : « Quand on partage un bien matériel, on le perd. Cependant, quand on partage un bien immatériel, on le multiplie ». J’ai construit ce centre culturel et social sur fonds propres pour partager mon expérience et celle des artistes d’autres pays et continents que nous invitons avec les populations de Dolisie, afin de susciter des vocations. J’essaie avec mes collaborateurs de participer au développement humain, car l’humain est au centre de tous les projets que nous réalisons.
Y aura-t-il un festival particulier à Dolisie, un jour, pour rendre hommage aux artistes de cette ville et les encourager à explorer la voie des arts comme mode d’épanouissement? Si oui quels sont les collaborateurs qui vous accompagnent dans ce projet?
Un grand festival spécial pour rendre hommage aux artistes de cette ville n’existe pas encore. Nous y pensons. Mais nos activités courantes de 2024 nous conduisent à l’organisation du Festival Dol’En Scène et la veille de la clôture du festival, une déambulation poétique sur l’ancienne piste des caravanes aura lieu. Cette promenade sera accompagnée par un chœur de femmes et soutenue par de la mapping vidéo. Nous ferons entendre les poèmes de certains poètes congolais. C’est notre façon à nous de rendre hommage à ces poètes et valoriser cette ancienne piste qui est à l’abandon.
Que représente la résidence « Chœur de femmes » : à quel genre de femmes est-elle destinée? Qu’attendez-vous de cette rencontre?
La résidence « Chœur de femmes » est un projet qui réunira 20 jeunes femmes de Dolisie. Elles seront formées par une chanteuse professionnelle au chant choral et gospel. Ces jeunes seront accompagnées dans leur professionnalisation.
Encore un mot?
Nous voulons développer beaucoup de projets artistique et culturel sur le territoire. On souhaite qu’un jour, les pouvoirs publics nous accompagnent dans ces projets afin de mettre, une vraie politique de développement culturel. Un seul doigt ne peut pas soulever un caillou. On espère qu’un jour, il y aura plusieurs doigts qui se mettront ensemble, que cette ville qui, jadis fut une ville culturelle et artistique retrouve sa noblesse avec panache.
Propos recueillis par Marie-Léontine Tsibinda Bilombo
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