JEHF BIYERI – Tellement libre et bien
Jehf Biyeri, comédien rappeur metteur en scène auteur rencontre l’art au début des années 80 avec le groupe vocal Victoria Mélodia à Pointe-Noire dans le quartier Mpaka. En 1997, après le lycée, il décide de faire une carrière au théâtre et dans le rap ce qui fait qu’il est aujourd’hui directeur artistique de Kimoko-Causette pour faire exploser la culture du Congo. Le souffle du conte lui vient de sa grand-mère.
Exerciez-vous un autre métier avant d’embrasser le monde de la culture?
En deux mille sous la pression de la famille et pour prouver que j’étais capable de faire autre chose dans la vie, j’ai travaillé dans une compagnie aérienne que j’ai dû quitter à cause de l’emploi du temps qui ne me permettait plus d’exercer mon métier d’artiste.
Quelle part apportez-vous en tant qu’artiste à la culture
congolaise en particulier?
Je crois que, le fait de continuer à exercer ce métier dans les conditions qui sont les nôtres, c’est déjà une façon de contribuer à l’existence de la culture dans ce pays. Par ailleurs, je forme des jeunes comédien(ne)s. Actuellement, avec mes modestes revenus d’artiste, je suis en train de mettre en place un Centre Culturel KU NKONDE avec résidence d’artistes à Pointe-Noire au quartier Nanga.
Un rappeur vous êtes, pourquoi portez-vous un intérêt à cet art : que voulez-vous partager en le pratiquant?
J’aime la musique et la poésie. J’aime également la parole et je crois que le rap est l’un des moyens les plus faciles d’exprimer tout cela. Je me sens tellement libre et bien dedans.
Comédien, vous jouez dans quelle troupe?
J’ai fait partie de quelques troupes ou compagnies dont j’ai été pour certaines, fondateur ou co-fondateur. Je viens de créer KU NKONDE qui n’est pas seulement un centre culturel mais également une compagnie artistique.
Metteur en scène, vous avez porté le roman de Mambou Gnali Aimée « L’or des femmes » au théâtre : quels sont les thèmes qui vous ont le plus touché dans cette autre vie donnée au roman?
Il est vrai que «L’or des femmes» renferme plusieurs couleurs en son sein, mais ce qui a le plus attiré mon attention c’est cette histoire de Mavoungou et Bouhoussou. Ces deux jeunes qui à leur enfance s’aiment sans pourtant que cela ne dérange personne, et qu’une fois en âge de se marier ne peuvent rien décider. Ensuite le fait que notre société prépare les filles au mariage et non les garçons.
Nostalgique du passé quand on voit ces coutumes de la protection de la jeune femme disparaitre ou soulagement parce que la jeune fille peut choisir l’homme de sa vie ?
Il y a un peu des deux. Je suis un peu conservateur mais fortement lié à la liberté d’expression, cela paraît un peu incohérent.
Quelles sont les joies que vous aviez tirées en adaptant ce texte? Et les comédiens : qu’en pensent-ils?
Ma plus grande joie me vient du retour positif que j’ai du public, de la satisfaction de l’auteur et surtout du plaisir que prennent les comédiens en interprétant les différents personnages de ce magnifique roman.
Et vous nous parliez de Kimoko : ce n’est pas un mot en langue étrangère : que veut-il dire pour les étrangers ?
Tout simplement, Kimoko veut dire : «Causette».
Quelle folie portez-vous en créant Kimoko et qu’attendez-vous des hommes et des femmes de culture au sein de cette structure?
Kimoko est un rendez-vous artistique dont j’étais directeur jusqu’à la deuxième édition. Depuis la troisième, je suis devenu le directeur artistique. En mettant en place ce rendez-vous, toute l’équipe de l’organisation et moi-même voulions qu’il demeure un rendez-vous incontournable, une la plaque tournante de la culture de l’Afrique centrale.
Pour 2020, avec la pandémie qui épouvante le monde Kimoko sera-t-il présent?
Pour marquer la treizième édition qui aurait eu lieu en juillet dernier, nous venons de mettre en place un atelier de théâtre que j’ai la chance d’animer avec des comédiens, des danseurs professionnels de Pointe-Noire. Nous ferons la sortie de résidence la première semaine de septembre.
Kimoko travaille-t-il avec des partenaires nationaux et étrangers?
En treize éditions, nous avons eu la chance d’avoir un apport financier ou matériel de quelques entreprises locales, jamais de partenaires étrangers.
Mais vous êtes aussi conteur! Et votre mère est comme un premier souffle qui vous soutient dans cette voie et vous apprend à conter?
Ce souffle me vient plutôt de ma grand-mère, c’est elle qui m’a le plus raconté « Les histoires! ». J’ai gardé pas mal de contes d’elle et, après sa mort, mon père et ma mère avaient pris la relève. Aujourd’hui, il ne reste plus que ma mère et je profite encore d’elle pour garnir ma « Corbeille à contes ».
Le conte Kunki, c’est comme cette maxime de l’herbe plus verte chez le voisin ou la cupidité et la convoitise plus présentes dans la vie des hommes?
Effectivement ! Même celui qui n’a pas travaillé veut gagner sa vie plus que celui qui charbonne à longueur de journée. Si l’homme ne fait pas un effort de combattre son avarice et maîtriser ses appétences, il continuera à faire la guerre à l’autre.
Que veut dire Nku Konde?
Nkonde vient de nkissi nkonde qui est un fétiche à clous. Ku qui est une préposition et signifie à, au… Pour moi, Ku Nkonde est un lieu où chacun vient crucifier ses chagrins pour repartir libre, sans tracas.
Des projets ?
Plusieurs dans les tiroirs. Mais, une fois Ku Nkonde bien assis, j’aimerai mettre en place un festival des cultures et traditions congolaises.
Propos recueillis par Marie-Léontine Tsibinda Bilombo