Rufin Mbou Mikima – Le défi aujourd’hui est d’exister réellement aux yeux du monde

Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

Rufin Mbou Mikima – Le défi aujourd’hui est d’exister réellement aux yeux du monde

Rufin Mbou Mikima est réalisateur et producteur congolais installé en France, au Havre. Après un CAPES en français à l’Université Marien Ngouabi du Congo en 2005, il a décidé, avec l’appui de l’ambassade de France, de poursuivre des études de cinéma à Grenoble. C’est ainsi qu’il obtient un Master 2 en réalisation documentaire de création en 2007 avant de s’inscrire en thèse sur le cinéma la même année. Thèse de doctorat qu’il finira par abandonner en 2012. A partir de 2005 il troque sa veste de professeur de lettres des lycées contre celle de cinéaste auquel il s’essayait dès la fin de ses années de lycée.

Faire du cinéma est-ce inné ?                                                

Il y a un petit vivier de cinéastes congolais et aucune école de cinéma sur place. Je pense donc qu’on peut devenir cinéaste par des moyens autres que ceux de formation académique. Ceci dit, s’improviser cinéaste est dangereux. Tout métier demande quand même qu’on acquiert certaines connaissances et aptitudes pour l’exercer. Le cinéaste inné n’existe pas. En dépit du talent que les uns et les autres peuvent avoir, il faut quand même apprendre à écrire, à réaliser, à produire, à diffuser, à faire exister artistiquement et techniquement des envies de film. Cet apprentissage peut se faire par mimétisme en regardant des films et en se documentant. Mais c’est quand même une chance de faire des études de cinéma. C’est une formation assez complète qui offre plus d’outils pour des cinéastes.

Quelles ont été vos influences en matière de réalisation de film ?

Quand j’ai commencé à m’imaginer comme cinéaste les réalisateurs Akira Kurosawa (Japon) et Stanley Kubrick (USA) étaient mes grandes références. Ils le sont encore aujourd’hui. Quand j’ai réalisé mon premier documentaire, je me suis inspiré de « 10ème chambre : instance de justice » de Raymond Depardon (France). En Afrique, il y a bien sûr eu entre autres Djibril Diop Manbety, Souleyman Cissé, Samba Félix Ndiaye, Idrissa Ouedraogo et mon grand frère Moussa Touré.

Y a-t-il eu des rencontres importantes dans l’accomplissement de votre rêve de réalisateur ?

Sébastien Kamba, Camille Mouyeke et Jean-Blaise Bilombo ont eu un rôle déterminant dans mon parcours. Sébastien Kamba est le premier cinéaste congolais que j’ai rencontré et qui avec bienveillance a bien voulu me faire découvrir ce métier. Camille Mouyeke m’a ouvert les opportunités en termes d’initiation à l’écriture et la réalisation de fiction. Avec Jean-Blaise Bilombo ils ont été les pourvoyeurs de mes rêves, mes premiers producteurs et ma source de motivation dans mes débuts. Camille Mouyeke et Jean-Blaise Bilombo ont donc produit en 2005 mon premier court métrage de fiction. Jean-Blaise Bilombo produira ensuite l’année d’après mon premier documentaire avec sa Compagnie MédiAfrique.

Qu’avez-vous ressenti en réalisant votre premier film? Quelle a été la réaction du public ?

La réalisation de mon premier film a été à la fois excitante et angoissante. Je pouvais enfin moi aussi donner corps à mes idées et avec des moyens financiers non-négligeables. Je voulais que mes amis et ma famille soient fiers de moi. Mais surtout, je voulais que mes producteurs et Camille Mouyeke surtout ne regrettent pas la confiance qu’ils avaient placée en moi. C’était aussi la première fois depuis plusieurs décennies qu’une production de cette envergure allait se faire au Congo et avec un jeune réalisateur vivant au Congo.

Documentaire, court métrage, long métrage, fiction des termes techniques que les néophytes ne comprennent pas. Que veulent-ils dire exactement ?

On va surtout différencier documentaire et fiction. Les termes « court métrage » et « long métrage » sont des formats de durée qui s’appliquent aussi bien en documentaire qu’en fiction. De façon simple, on peut dire de la fiction que c’est un film qui se construit autour d’une histoire sortie tout droit de l’imagination de son auteur avec le plus souvent des séquences dialogues et de l’action dirigée qui seront portées par des personnages incarnés par des acteurs. Le documentaire quant à lui est la mise en image du réel ou de sa représentation. Les personnages quand ils existent « incarnent leur propre vie ». En fiction on est donc dans l’imaginaire et en documentaire, dans le réel. Mais cette frontière devient de plus en plus poreuse. Le court métrage, en fiction ou en documentaire est un film d’une durée inférieure à soixante minutes. Le long métrage est donc un film de 60 minutes et plus.

Quels sont les défis du cinéma actuel ? Qui est-ce qui a changé par rapport à hier ?

Les défis du cinéma ne sont pas les mêmes suivant la région du monde dans laquelle on se trouve. Pour le Congo par exemple, le défi aujourd’hui est d’exister réellement aux yeux du monde. Pas de façon nombriliste sur sa page Facebook ou dans son cercle d’amis mais d’exister réellement avec envie auprès d’un public local et extérieur. Nous y étions presque arrivés jusqu’au début des années 80.

Que peut attendre le cinéaste dans les rencontres d’un festival de cinéma ?

Les festivals sont des merveilleux moyens pour vérifier s’il y a un public pour notre production et comment il réagit. C’est aussi l’occasion de voir ce qui se passe ailleurs et éventuellement de s’en inspirer ou se remettre en question. Enfin le festival c’est le lieu où on a la possibilité de compléter son carnet d’adresses et de préparer ses prochains projets.

Y a-t-il un avenir pour le cinéma congolais ?

Loin de vouloir faire de l’optimisme entêtant, je crois en l’avenir du cinéma congolais. Déjà, de plus en plus de jeunes s’y intéressent. Maintenant il faut que cette flamme soit alimentée par des réformes et des engagements significatifs. Ça fait plusieurs années que nous faisons des propositions aux pouvoirs publics. Pour l’instant, il ne se passe pas grand chose mais nous continuons à garder espoir. C’est ce qui fait vivre, dit-on !

Que pouvez-vous apporter aux futurs cinéastes en termes de partage d’information ou d’expériences ?

Depuis quelques années j’apporte ma modeste contribution au paysage audiovisuel et cinématographique du Congo. Qu’il s’agisse des ateliers d’écriture et de réalisation, des événements de rencontres et de diffusion de films comme le festival Ya Beto, des initiatives de mutualisation et du travailler ensemble comme le collectif To Zali, je suis dans le partage et je continuerai tant que l’envie sera encore là.

Des difficultés particulières dans l’exercice de votre métier ?

Oui. Comme dans tout métier, j’imagine. L’absence des aides au développement et à la création au Congo est une difficulté majeure. Elle me pousse à recourir à des fonds extérieurs et étrangers. Mais on connaît le dicton : « La main qui donne … » Difficile de prétendre à une liberté absolue d’expression, de décision et surtout à son indépendance, condition fondamentale pour moi pour exister.

Des récompenses ?

Oui quelques récompenses mais plus pour des films que j’ai produits ou co-produits : plus d’une dizaine de prix. A titre personnel, j’ai obtenu le prix du meilleur documentaire court métrage au festival Vues d’Afriques de Montréal en 2013.

 Des projets ?

Pour les prochains mois, années, je vais beaucoup m’appuyer sur mes propres projets en réalisation. J’ai l’impression de m’être un peu oublié ces derniers temps. Je dépoussière quelques vieux projets aussi bien fiction que documentaire. Je suis d’ailleurs en train d’écrire mon prochain projet de film documentaire intitulé : « Rêves (ce qu’il en restera) ». Un documentaire qui explore le monde de sourds.

 Un dernier mot ?

Je vais emprunter ceci à Sony Labou Tansi : « Nous venons au monde pour nommer. Gare à celui qui nommera sa honte ou sa propre perte !

Propos recueillis par Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

 

 

 

8 réponses

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