Ngaba Nsilou Exaucé Elvin : Nous estimons que la littérature demeure universelle

Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

Ngaba Nsilou Exaucé Elvin : Nous estimons que la littérature demeure universelle

Est né à Brazzaville en République du Congo. Après un cursus scolaire enrichi en lettres, il s’est tourné vers le monde de l’emploi où il a travaillé comme attaché, puis conseiller culturel au Cabinet du ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation avant de parfaire une formation qualifiante en Hygiène, Sécurité, Environnement et Qualité ; parallèlement à son cursus académique en lettres.

Ngaba Nsilou Exaucé Elvin dirige aujourd’hui une entreprise spécialisée dans l’édition et la distribution de livres. Il a une librairie des Éditions Renaissance Africaine à Brazzaville mais le siège des Éditions Renaissance Africaine demeure en France.

 S’improvise-t-on éditeur ?

Oui, on peut décider à se lancer dans le monde d’édition sans en connaitre véritablement le fond mais on ne s’improvise pas éditeur ; on acquiert ce titre au fil du temps après une longue expérience. Pour y parvenir, il faut surtout se former et s’arrimer aux nouvelles technologies. Un éditeur au 21ème siècle ressemble un peu à un homme-orchestre qui doit être capable d’avoir des connaissances diversifiées dans plusieurs domaines (infographie, marketing, informatique, communication, etc.)

Vous êtes écrivain et éditeur de Renaissance Africaine. Lequel des deux domaines a influencé l’autre ?

Je pense que l’écriture m’a conduit inéluctablement à l’édition. J’ai toujours pensé qu’il est impérieux d’avoir l’abécédaire d’un métier avant de s’y adonner. C’est pour éviter les refus des éditeurs que je décidais d’atterrir de plein pied dans le monde de l’édition. Aujourd’hui je me sens mieux avec cette double casquette et les deux me valent mieux, il n’ y a pas confusion de rôle bien au contraire l’édition étanche ma soif de toujours lire. La journée, je suis éditeur et le soir écrivain ; tout est juste une question d’organisation et de priorité.

 Combien d’ouvrages à votre actif ?

Ma gibecière contient plusieurs manuscrits écrits pour la plupart pendant mon adolescence. Enfant, je n’avais pas grand-chose comme loisirs et je m’adonnais sans coup férir à la littérature. Je lisais des tonnes de livres et j’en gribouillais aussi. J’ai six ouvrages sur le marché du livre.

Avez-vous bénéficié d’un quelconque soutien pour la création de votre maison d’édition ?

Je serais ingrat si je ne profite pas de l’occasion pour remercier toutes les personnes qui m’ont encouragé et accompagné dans cette aventure. Le chemin parcouru a été très long et seul je ne pouvais pas y parvenir. J’ai bénéficié d’un soutien moral mais jamais financier ; autant dire que personne au sein de mon entourage était prêt à débourser quelques francs pour me venir en aide. Ils ont voulu peut-être me voir à l’épreuve, chose faite aujourd’hui.

À quel compte d’édition publie-t-elle ?

Nous proposons deux types de contrats aux auteurs qui frappent à notre porte : l’édition à compte d’auteur et celle à compte d’éditeur. Le type de contrat est choisi par l’éditeur en fonction de son intérêt après lecture du manuscrit soumis.

Son panel d’auteurs est-il exclusivement congolais ?

Notre maison d’édition est ouverte sans aucune distinction de couleur ni race et n’admet aucune limite géographique. Nous avons des auteurs aux quatre extrémités de la terre car nous estimons que la littérature demeure universelle.

Un auteur publié par votre maison d’édition qui vous aura le plus marqué ?

Étant dans l’embarras du choix, permettez-moi d’en citer deux. Huppert Malanda et Prince Arnie Matoko demeurent à ce jour l’un de nos auteurs très majeurs. Le premier fut celui qui au-delà de sa notoriété internationale accepta de nous confier l’un de ses précieux manuscrits pour édition et le second est l’une des figures représentatives de la nouvelle génération en littérature, auteur de plusieurs ouvrages, ils ont a publié 4 sous nos presses et est aujourd’hui nommé Ambassadeur de nos éditions pendant un an.

 L’un des problèmes cruciaux de l’édition demeure la diffusion des œuvres publiées. Avez-vous une politique spécifique dans la gestion de ce goulot d’étranglement ?

Oui la diffusion est un problème qui mine et range le secteur du livre depuis des années, alors que les livres sont publiées presque tous les jours mais le lecteur n’en trouve pas sur le marché. Au sein des Éditions Renaissance Africaine, nous avons mis en place une librairie qui aujourd’hui rend le livre accessible et nous avons signé des partenariats avec des transporteurs locaux pour diffuser le livre jusqu’aux confins du territoire et ce grâce à des coûts compétitifs car notre passion pour le livre passe avant tout.

Vos auteurs perçoivent-ils leurs droits ?

Oui, tous nos contrats d’édition garantissent le paiement des droits d’auteur car tout travail mérite un salaire et cela dit, chaque auteur doit tirer pleinement profit de la vente de ses livres mais cela reste soumis à une condition : le nombre d’ouvrages vendus prime. Cette question suscite souvent plusieurs interrogations car certains auteurs alors qu’ils n’ont encore vendus aucun exemplaire réclament déjà des droits d’auteur.

Quelles procédures doivent suivre les ayants droit des auteurs à la mort de ce dernier ?

Nous versons les droits d’auteur aux auteurs à partir de 100 euros générés et à la mort de ce dernier, nous versons les sommes aux ayants droit sans limitation de montant ; le tout dépendra de la famille du de cujus. De notre côté, dès notification de décès d’auteur sous contrat, notre service juridique prend attache avec sa famille biologique et les assiste durant toute la période d’épreuve.

Qui peut spécifiquement toucher les droits à la mort de l’auteur ?

Les enfants ou conjoints de l’auteur à défaut d’une personne désignée par ce dernier lors de la signature du contrat.

Quels sont vos rapports avec les autres éditeurs congolais en particulier ?

J’ai de très beaux rapports avec mes confrères éditeurs congolais seulement cela existe à titre personnel car à ce jour nous n’avons pas de partenariats entre nous et nous ne sommes pas réunis officiellement au sein d’une plateforme d’éditeurs afin de faire valoir nos droits.

Dans un contexte marqué par l’abandon du livre au profit de la télévision, peut-on penser que le livre a encore de beaux jours devant nous ?

Dans ce monde en pleine mutation, je peux affirmer que le livre a sa place et restera encore d’actualité jusqu’à la fin des temps. Le livre papier existe depuis la nuit des temps et traverse les siècles et aujourd’hui fait bon chemin avec le numérique. Pour moi, le livre papier demeure la base de toute création et contribue à notre épanouissement et nous accompagne au quotidien. Les exemples sont légion (guide d’utilisation, manuel et bréviaires sont pour la plupart sur papier avant d’être transformés au numérique).

Beaucoup d’écrivains congolais se plaignent du fait que les autorités culturelles congolaises limitent la culture au seul domaine musical. Êtes-vous de cet avis ?

Ce constat est réel et pose un véritable problème. Comme eux, je suis d’avis que chez nous la culture se résume qu’au chant et à la danse. Pour preuve, le département en charge de la culture a récemment organisé un concours national de la danse sous le haut patronage du Premier ministre mais aucune action en faveur d’écrivains. Depuis 2018 date de la dernière biennale des arts et lettres plus rien n’est organisé dans notre pays pour soutenir les écrivains qui au quotidien font l’honneur du pays à l’extérieur en glanant des prix et participant aux salons littéraires.

Pensez-vous un jour à redynamiser l’Union Nationale des Ecrivains et Artistes Congolais ?

Tout à fait, je crois en l’avenir de l’Union Nationale des Ecrivains et Artistes Congolais (U.N.E.A.C). J’ai eu l’honneur d’avoir participé à quelques-uns de ses travaux par l’entremise de feu Léopold Pindy Mamonsono. J’ai foi qu’un jour que cette institution renaîtra de ses propres ailes afin de s’adapter aux besoins du temps. Son actuel président Henri Djombo est un homme très dynamique et je crois en sa vision.

À l’instar de Jean-Baptiste Tati-Loutard, Henri Lopès, Sony Labou Tansi, Benoît Moundele-Ngolo, la politique vous tente-t-elle ?

J’ai toujours été attiré par la politique ce qui explique inéluctablement mon passage dans diverses formations politiques au Congo et en France. Je suis aujourd’hui à la tête d’une association politique et j’effectue actuellement un travail sur le terrain afin de me présenter aux futures échéances électorales.

Pensez-vous que politique et écriture fassent bon ménage ?

Oui l’écriture et la politique font bien chemin ensemble et les deux ont pour dénominateur commun  l’audace et l’engagement.

Que pensez-vous de l’épineux problème des droits d’auteur au Congo ?

C’est un problème qui ne peut se dénouer qu’en commençant par la réorganisation du BCDA (Bureau congolais des droits d’auteur). Il faut des assises et états généraux pour y arriver. Cette entité est devenue obsolète et mérite une véritable mise à jour.

 
Vous réalisez un rêve d’enfance: l’installation d’une librairie à Brazzaville. Quelle a été la réaction du public?
 
En véritable rat des bibliothèque, j’ai toujours pensé qu’on ne peut vivre aisément loin des livres qui
 
représentent un atout majeur dans la quête du savoir. J’ai grandi dans le milieu du livre et j’en ai tiré
 
pleinement profit.

Aujourd’hui, je remarque que le livre s’éloigne de notre quotidien et les aires de jeux gagnent du terrain sans compter le nombre de débits de boissons qui poussent au coin des ruelles comme des champignons. La jeunesse s’enfonce dans la bêtise et le savoir se meurt. 

En lançant cette librairie, un sentiment de pure satisfaction m’envahit: un rêve d’enfance qui vient de se réaliser. Mon souhait est d’installer d’autres librairies dans des nouveaux espaces, ici ou ailleurs.

Une librairie au service des habitants des quartiers périphériques de Brazzaville est une arche pour sortir des plaisirs sans bénéfices pour le développement de l’ingéniosité de l’esprit.

La Librairie-Galerie Coup de Coeur, située à Mantsimou, est abritée au sein du siège des Éditions Renaissance mais est totalement indépendante dans sa vision et sa politique car elle est ouverte à tout le monde et ses rayons mettent en avant la littérature dans toute sa diversité, et ce sans aucune différence de langue ou de couleur. J’avoue que j’ai été très surpris de l’affluence du public lors de la journée portes ouvertes de cette librairie et je remercie tous ceux qui ont cru en nous et qui sont repartis avec des sacs pleins de livres.

Auriez-vous un sujet que sous avions oublié d’aborder dans cette interview ?

Je demande aux autorités en charge du livre de plaider auprès des autorités fiscales afin de nous faire profiter l’exonération au niveau de la douane. Le livre est une denrée essentielle pour l’éducation d’une nation et ne devrait pas coûter cher. Autre problème est bien celui d’une absence criarde d’évènements culturels organisés par le ministère de l’Industrie culturelle.

Propos recueillis par Fred Arthur Mouanda Kibiti

2 réponses

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