MBOKA KIESE – Esthétique du Jazz et Histoire des Noirs Américains

Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

MBOKA KIESE – Esthétique du Jazz et Histoire des Noirs Américains

                     

Jazz Aesthetics and History of Black Americans 

In the history of Jazz music born in the transplant of African blacks in the Americas, through the triangular slave trade, African Americans adapt to Western instruments, African music. Every time they try to play the piano, saxophone, trumpet, the attractor of the africanity brings back them to the foundations of African music. But this new music is more like the original African music, much less to Western music. This music tells the story of blacks in America. It is this history that will lead Barack Obama to gain political power in the United States of America. But what history? The Jazz is the expression of black identity in America. The first, called the swing, is a shakedown period. The musicians are trying to amuse the bourgeois public, especially white. Duke Ellington, Louis Armstrong, Fats Waller, Art Tatum, etc… In his novel Banjo, Claude McKay devotes an entire chapter, « Jelly-Roll », the black entertainer: « Play, please. You Americans? I really like the Negroes play American jazz. I hear them in Paris. Épatant  » (1).

Esthétique du Jazz et Histoire militante des Noirs Américains.

Dans l’histoire du Jazz, musique née de la transplantation des Noirs d’Afrique sur le continent américain, à travers le commerce esclavagiste triangulaire, les Noirs américains adaptent sur les instruments occidentaux, la musique africaine. A chaque fois qu’ils tentent de jouer du piano, du saxophone, de la trompette, l’attracteur de l’africanité les ramène vers les fondements de la musique africaine. Cependant cette nouvelle musique ne ressemble plus à la musique africaine d’origine, encore moins à la musique occidentale. Cette musique raconte l’histoire des Noirs d’Amérique. C’est cette histoire qui conduira Barack Obama à gagner le pouvoir politique aux Etats-Unis. Mais quelle histoire ? Le Jazz, c’est l’expression de l’identité noire en Amérique. La première période, appelée le swing, est une période d’assimilation. Les musiciens essaient d’amuser le public bourgeois, blanc en particulier. Duke Ellington, Louis Armstrong, Fats Waller, Art Tatum, etc. Dans son roman Banjo, Claude Mac Kay consacre un chapitre entier, « Jelly-Roll », au black entertainer (noir amuseur) : « Jouez, s’il vous plaît. Vous Américains ? J’aime beaucoup les Nègres jouer le jazz américain. Je les entends à Paris. Épatant !  » (1). Aimé Césaire :

 » […] Ou bien tout simplement comme on nous aime !
Obscènes gaiement, très doudous de jazz
sur leur excès d’ennuis ». (Cahier d’un retour au pays natal)

Histoire du militantisme noir américain

Cependant la situation socio-économique de la communauté noire américaine va de mal en pis. L’Afrique noire reste encore sous domination coloniale. Pendant des années les Noirs aux États-Unis ont trop souffert. En 1863, Abraham Lincoln proclame leur émancipation. Partout où la ségrégation raciale a existé, l’exploitation a pris une autre tournure. Les Noirs ne sont pas intégrés en Amérique. Ils sont exclus de l’emploi, de l’habitat, de la santé, de l’éducation. Au Sud des États-Unis d’Amérique, les Noirs ont été terrorisés par une organisation secrète blanche appelée « Ku Klux Klan ». Beaucoup de Noirs avaient immigré dans les villes du Nord où ils étaient devenus le sous-prolétariat de capitalisme américain. Ils vivaient dans des quartiers nommés : « ghettos ». Comme les townships en Afrique du Sud, comme les favelas au Brésil. En tout cas leur vie renvoyait presque à une image de mort : famine-chômage-criminalité-délinquance-drogue-prostitution, une désorganisation sociale tout court. Nous pouvons comparer les Noirs américains de ce temps à une communauté de prisonniers, vivant en plein air; et le ghetto à un cachot souterrain. Cependant ils n’attendront pas longtemps pour que la situation change toute seule. Ils ont dû lutter pour obtenir l’égalité juridique avec le peuple blanc. Seule une élite noire minoritaire jouissait du bien-être américain. Cette élite-là redoutait les militants noirs américains, comme eux-aussi les ignoraient. Les Noirs impécunieux témoignaient de respect aux militants noirs. Ils avaient pris conscience d’une chose.  Au lieu de se résigner et de résoudre individuellement chacun dans sa solitude son problème existentiel, une partie de l’élite noire américaine militante va poser le problème noir aux USA sur le plan global de la politique, pour revendiquer des solutions globales. Cette création des classes d’équivalence est la réponse apportée à la question de la Négro-Renaissance. Cela signifie-t-il la guerre ? Non ! « Qu’est-ce qu’un homme révolté ? » s’est demandé Albert Camus, dans son livre L’homme révolté. Il a répondu : « C’est quelqu’un qui refuse, mais il n’abandonne pas le combat. C’est aussi quelqu’un qui accepte. Ce « Non » signifie que » les choses ont trop duré « ; » jusqu’à là oui, au-delà non « . La révolte justifie le surpassement de soi-même. Il a pris conscience de sa situation. Donc l’esclave aussitôt qu’il rejette l’ordre répressif, les lois discriminatoires, supprime sur le plan de la conscience, de la représentation, sa condition d’esclave et proclame sa liberté. Dans le cas des Noirs américains militants, c’était la même chose. Comme ils ont pris conscience de leur condition de servitude; cela signifie, ils ont analysé leur situation selon leur passé, il n’y avait pas de limites désormais qu’ils ne pouvaient surpasser. Le problème individuel de logement que se pose chaque Noir, les problèmes de santé, les problèmes familiaux, les problèmes d’éducation, les questions d’argent vécus par les jeunes garçons et jeunes filles confrontés aux idylles amoureuses ne sont plus appréhendés comme des problèmes personnels, mais des problèmes se posant à tous les Noirs américains. M’Boka Kiese écrivit en 1988 (2) : Ces intellectuels auxquels le Parti Congolais du Travail refuse les moyens de production intellectuelle, doivent apprendre à ne plus considérer leurs problèmes dans la vie quotidienne, comme des problèmes individuels. lls doivent cesser d’étaler dans les lieux publics leurs états d’âme suicidaires. Ils doivent cesser d’imploser; ils doivent corriger ces attitudes d’infériorisation de la conscience humaine : « Les masses les plus dangereuses sont celles dans les veines desquelles on a inculqué le venin de la peur, la peur du changement.» (Octavio Paz). Autrement dit, les moyens matériels qui vous sont refusés pour réaliser vos choix politiques, «les problèmes d’argent», pour abuser d’un langage populaire, ces problèmes sont mal compris, s’ils sont appréhendés comme des problèmes relevant de la vie d’un seul individu. Dès lors la sociologie de la connaissance est faussée et la souffrance de l’individu perdure, tant qu’il ne se libère pas de son ignorance. On ne naît pas avec des problèmes individuels à l’image des maladies congénitales.

Les problèmes moraux, sociaux non résolus par un individu durant la trame de sa vie, ces problèmes de la vie, dans la mesure où ils se posent à tout le monde, sont des problèmes politiques, et nécessitent donc des solutions politiques. Toutes les humiliations subies dans la société civile, dérision, mépris, calomnie, médisance, perte de vie privée, ostracismes qui naissent du fait d’une précarité matérielle, elle-même due au chômage, cessent dès que l’individu s’engage dans la vie politique. (M’Boka Kiese, op., cit., p. 185-186). On parle ainsi en philosophie d’une prise de conscience radicale. Radicale veut dire, prendre les choses à la racine du mal où ces problèmes vitaux se posent chez chaque individu blanc ou noir, jaune ou rouge, démarrant dans la vie et voulant s’émanciper économiquement et socialement. L’être humain n’est plus guidé dans ses actions quotidiennes par des instincts grégaires mais par la raison. Il n’est plus conditionné, il est libre. Naissance des mouvements politiques noirs. Mouvement de non-violence de Martin Luther King inspiré de Gandhi, mouvement religieux des Black Muslim dont un des leaders fut Malcolm X. Les activistes Black Panthers sensibles au message de Malcolm X font irruption sur la scène politique. Soul To Soul : 1971, les Africains Américains retournent aux sources culturelles et spirituelles du continent africain, au Ghana de Nkwame Nkrumah, apotre du panafricanisme. Parmi les pèlerins, figurent Wilson Pickett, le couple Ike et Tina Turner, The Staple singers, Voices of East Harlem. Dans son Nouveau vocabulaire philosophique, Armand Cuvilier (3) définit La catharsis comme une thérapeutique psychanalytique consistant à débarasser le sujet de ses troubles (A. Cuvillier, op. cit., p. 11). Deux méthodes peuvent être appliquées suivant que le patient constitue un individu ou un groupe d’individus. Dans le premier cas d’un seul sujet, le médecin rappelle au patient, l’idée dont le refoulement des troubles a causé à sa conscience; S’agissant d’un groupe d’individus, l’abréaction est la méthode plus recommandée. A. Cuvillier définit cette dernière comme « Une décharge émotionnelle permettant au sujet de se libérer d’un choc ancien qui n’avait pu aboutir à une réaction satisfaisante » (A. Cuvillier, op. cit., p. 11). Black is beautiful, est le slogan primé et scandé lors des grandes messes musicales populaires comme le Wattstax, organisées le 20 août 1972 à Watts, pour commémorer les émeutes du ghetto noir de Los Angeles. Le musicien et comédien Isaac Hayes vêtu de chaînes de l’esclavage s’autoproclame Black Moses (le Moïse Noir) ! Le maître de cérémonie de cette messe cathartique fut le pasteur Jesse Jackson ; bien avant l’actuel président Barack Obama, bien après Shirley Chisholm (1924-2005), ce théologien et militant des droits civiques fut à trois reprises, en 1984, en 1988 et en 2004, candidat aux primaires du Parti démocrate pour les élections présidentielles américaines.

Le summum de l’esthétique musicale noire américaine est atteint dans les années 1970 par Soul Train, une émission culte de variétés créée par l’animateur et producteur Don Cornelius dans la région de Chicago. La musique se mêle à la danse, à la création vestimentaire (vêtements moulant les formes corporelles, chemises fleuries, pantalon pattes d’éléphant) et à l’esthétique corporelle avec la mode Afro ; les cheveux crépus sont gonflés par des produits de beauté de création propre à l’industrie noire américaine (Afrosheen, Ultrasheen). La mode et la musique générées par Soul Train et Berry Gordy se répandent en Afrique. Mais les images de l’émission resteront bloquées aux États-Unis. Les Noirs américains avaient recouvré leur personnalité et leur identité, à travers cette promotion de l’industrie musicale. Les musiciens pouvaient y exprimer librement leurs points de vue sur la musique, et vivaient de leur carrière. De noms prestigieux participèrent à l’émission : Barry White, Marvin Gaye, James Brown, Aretha Franklin, Donna Summer…

Émancipation économique et sociale des Noirs Américains

Le jazz est une musique élitiste. Seule une fraction minoritaire noire et blanche développe l’ouïe et la finesse du jazz. Par conséquent l’industrie et le commerce du jazz ne profitent pas à l’ensemble des musiciens noirs et posent un démenti à la devise du naturaliste Lamarck : « La fonction crée l’organe ». Peu de musiciens de Jazz vivent de leur métier. Beaucoup de saxophonistes talentueux traînent dans les couloirs de métro de New-York ou échouent dans les villes européennes. Le jazz n’est pas un cas unique. Une musique populaire avait déjà échoué chez les Noirs, celle du Rock’n’Roll.Elvis Presley ou les Rolling Stones, même les Beatles ont bien puisé dans le blues africain-américain ; ils ne s’en cachent pas. Mais les plus-values du Rock’n’Roll profitent en grande partie aux artistes et industriels leucodermes. En musique, en Angleterre, aux USA, toute oeuvre musicale créée par un musicien noir est expropriée par l’industrie musicale dominante au profit d’un musicien blanc. On parle en économie politique d’un phénomène appelé l’appropriation culturelle. Cette dernière participe à la lutte des classes. Une classe dominante est détentrice des moyens de productions dans l’industrie musicale. Son objectif est de promouvoir la carrière des musiciens. Aux États-Unis, la suprématie blanche contrôle ce pouvoir économique. Cependant la source de créativité musicale n’est pas discriminante.  Comment fabriquer un oracle dans l’industrie musicale, que dis-je « un chanteur blanc capable de chanter comme un Noir » (sic) pour faire fortune ? Tel est le sens de la lutte des classes à laquelle sont confrontés les promoteurs musicaux blancs.  Dans cette approche marxiste, « La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les professions jusque-là réputées vénérables et vénérées. Du médecin, du juriste, du prêtre, du poète, du savant, elle fait des travailleurs salariés » (Karl Marx et Engels, Manifeste du PartiCommuniste, 1848). Cette bourgeoisie en tire des avantages économiques sans rétribution de son créateur. La lutte des classes opère dans une seconde approche stendhalienne : « La société étant divisée par tranches comme un bambou, la grande affaire d’un homme est de monter dans la classe supérieure à la sienne, et tout l’effort de cette classe est de l’empêcher de monter » (Stendhal, Souvenirs d’égotisme, 1832).  Les rapports de force sont donc défavorables à un individu créateur issu d’une communauté culturelle dominée. Pour monter dans la hiérarchie sociale cet individu doit aliéner sa trouvaille culturelle originale en la cédant à une classe sociale dominante saturée de culture urbaine. Comment bâtir une oeuvre musicale échappant à l’expropriation économique de la communauté noire étatusienne?  Comment promouvoir une moyenne bourgeoisie noire de l’industrie musicale de la Soul, du Gospel, du Funk et du blues dont la firme Motow va constituer le barycentre ?  Comment créer, ici et maintenant, des richesses, des emplois, dans une communauté juvénile noire paupérisée, exclue des marchés du travail, de la nomenklatura politique et intellectuelle ? C’est le défi ou l’histoire d’un ancien boxeur nommé Berry Gordy. Le système économique américain est d’essence capitaliste, au sens marxiste du terme. L’industrie berrygordyenne va fonctionner suivant le mode de production capitaliste. Il faut réunir à la fois un capital et de la main-d’oeuvre ou de la matière grise ; créer un produit, le mainstream jazz, une marchandise ; le commercialiser dans un large marché ; accumuler de la plus-value ; épargner; réinvestir ; recommencer le cycle capitaliste (voir M’Boka Kiese, « L’accumulation récursive du capital », revue Paari, vol. 4, 2003-2004, p.89-110). Berry Gordy se sert du capital des ressources humaines et spirituelles des ghettos noirs. Au lieu que son produit musical tourne en autarcie dans la communauté noire, selon l’adage kongo « Zinianzi za zingi ka zinengomonanga mbizi ko » (Plusieurs mouches rassemblées ne peuvent pas soulever la viande de gibier) ; il refuse ce régime de monopsone, d’un seul acheteur, d’un seul vendeur et qui plus est, Berry Gordy n’a pas le monopole du marché musical ; Celui-ci étant un oligopole, peu d’offreurs industriels de musique, beaucoup d’acheteurs, Berry Gordy s’invite dans la concurrence pure et parfaite, en visant le marché national américain. Sur le fronton de ses bâtiments commerciaux, sis au marché populaire de Moungali, à Brazzaville (Congo), le commerçant congolais Ta Ngulu-Nkunku avait inscrit la devise suivante : « Zandu ka diena mu ntekila ko, mpasi nsolo (Ce n’est pas le commerçant arrivant le premier qui gagne un marché, c’est celui qui propose de la bonne marchandise qui satisfait à une large clientèle). Motow, la firme de Berry Gordy créera ses richesses autour d’un produit d’essence africaine-américaine, le Rythm and Soul. Celui-ci ira à la conquête du marché de l’émotion, de la sensibilité, de l’âme des jeunes garçons et jeunes filles du monde entier, toute race confondue. La pensée de L. S. Senghor, « L’émotion est nègre, comme la raison hellène » est querellée par l’oeuvre industrielle de Berry Gordy. L’émotion est humaine, comme la raison universelle. Un slow de Percy Sledge comme « When a man loves a woman », ranime l’espoir de toute la jeunesse  mondiale  toute origine confondue. C’est un véritable miracle ; le R&B noir américain a opéré une révolution sans précédent dans l’histoire de la musique. Ses concurrents n’avaient pas atteint cette dimension planétaire. Marvin Gaye, Diana Ross et les Suprêmes, Stevie Wonder, Michael Jackson et ses frères du Jakson’s Five furent les mousquetaires de cette révolution berrygordyenne. Pour réussir son pari, son émancipation industrielle et commerciale, les synapses du cerveau de Berry Gordy fonctionnaient suivant un modèle mathématique caché (hidden mathematical model). En 1965, Berry Gordy, issu d’une famille de huit enfants, était devenu le patron noir le plus puissant d’Amérique.  Les expressions utilisées par les critiques de l’oeuvre de Berry Gordy sont unanimes : « Berry Gordy a mis son intelligence au service de son ambition pour échapper à la médiocrité de l’existence qui l’attendait dans le ghetto de Detroit » (Motow, Soul Classics, n° 11, p. 3) ; « De nature militante et insoumise, Gordy ne voit pas pourquoi l’industrie du show-business continuerait à faire d’énormes profits sur le dos des Afro-Américains » (ibidem) ; » Son esprit logique est l’une des caractéristiques les plus précieuses de Gordy » (Motow, Soul Classics, n° 11, p. 4) ; « L’autre conséquence du cartésianisme de Gordy est son sens inné de l’organisation » (ibidem) ; « L’habilité avec laquelle Gordy construit son empire est le reflet de ses talents de businessman » (Motow, Soul Classics, n°12, p. 4); « pour désamorcer toute critique au sein de la communauté noire, il publie sur Motow les discours de Martin Luther King » (Motow, Soul Classics, n°12, p. 5).

Comme toute vie en société, la lutte des classes à l’intérieur de la communauté noire américaine est rude. Un musicien noir nommé Charles Bradley aussi talentueux que James Brown sera exclu par ses propres frères de cette émancipation économique et sociale du vingtième siècle. Il lui a fallu attendre le vingt et unième siècle pour se frayer un chemin. Des chansons comme No time for Dreaming, How Long, Victim of love retracent le calvaire qu’il a enduré auprès de ses propres frères.

Décennie 1970 : Naissance d’une esthétique cinématographique nommée Blaxploitation (Black Exploitation) avec une double lecture. Des Noirs comme Melvin van Peebles, Jim Brown (l’exécuteur noir), Fred Williamson (Hell up in Harlem), Richard Roundtree (Shaft), Yaphet Kotto (Friday Foster), Pam Grier (Coffy) jouent des rôles de comédiens classiques opposés à ceux issus de l’esclavage et de la servitude. Cependant l’industrie cinématographique reste l’apanage exclusif d’Hollywood qui exploite les acteurs noirs américains dans le modèle de Sydney Poitier (Guess who’s coming to dinner, Devine qui vient diner ce soir, 1967) – ou le rôle alimentaire de Sammy Davis Jr dans Les 7 voleurs de Chicago. Cette exploitation des acteurs noirs américains produira des séries artificielles comme Coffy (Pam Grier), Foxy Brown (Pam Grier), Truck Turner (Issac Hayes), Black Cesar (Fred Williamson), Dynamite JonesBlack MamaWhite Mama, etc. Géométriquement parlant, Blackploitation est un modèle cinématographique invariant par transformation du cinéma d’Hollywood. On a transposé dans Blackploitation le modèle cinématographique d’Hollywood, en remplaçant les comédiens blancs par des Noirs pour attirer, capturer la clientèle noire. Et c’est Melvin Van Peebles, un noir américain immigré en Europe qui va produire a contrario cette révolution. Son obsession c’est l’indépendance de l’industrie cinématogragrique noire. Le film de Melvin van Peebles, Sweet Sweetback’s Baad Asssss Song (1971), commence par des scènes de sexualité classiques pour rassurer un public noir habitué à de telles séquences dans le cinéma pornographique occidental. Puis progressivement, par une démarche dialectiquement pédagogique, Melvin inverse la situation. Le spectateur termine ce film comme s’il avait été invité à passer une cure psychanalytique. Melvin effectue une sorte de dévérouillage du génie créateur du spectateur noir en l’occurrence, en l’invitant à une prise de conscience de sa condition d’être dominé, aliéné. Melvin Van Peebles inaugure une approche libertaire de l’histoire du cinéma noir américain. Grâce à « Classified X« , se dessine une rupture dans la lecture du cinéma noir américain. Ce documentaire devrait être diffusé en cassette vidéo pour permettre à un large public d’accéder à sa connaissance. Un Africain américain critique l’image du Noir dans le cinéma d’Hollywood, pendant que d’autres Noirs cherchent à intégrer ce temple mythique du cinéma américain. Pour la première fois, la musique noire américaine, avec le groupe Earth Wind & Fire, irrigue le cinéma noir américain naissant.  James Baldwin, que nous avons rencontré à Paris (France) dans les années 1980 vers Odéon dans la librairie La Pensée Sauvage, avait découvert la réalité qui se trouve derrière les mots « Acceptation » et « Intégration ». Selon sa pensée, les Noirs ne doivent pas essayer de devenir comme des Blancs. La chose vraiment inaugurale, qu’il a prophétisée, les Noirs doivent accepter avec amour les Blancs. L’élite intellectuelle et politique américaine de souche blanche, au risque d’imploser et, pour maintenir le leadership des États-Unis d’Amérique dans le monde, sera condamnée à opérer des réformes éthiques et politiques. Cette solution pacifique proposée par James Baldwin a fait des États-Unis ce que les États-Unis sont devenus. Une nation cosmopolite où l’élite intellectuelle nationale et d’origine étrangère est la mieux intégrée. C’est le seul pays au monde ayant dépassé la lutte des classes entre Intellectuels vivant aux États-Unis dans l’esprit d’Antoine de Saint-Exupéry (in Citadelle) : « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, plutôt tu m’enrichis ».

Les valeurs de l’humanisme intégral (Bumuntu en kikongo) proclamées dans les déclarations universelles des droits de l’homme vont inspirer le pouvoir américain. Les deux grands partis politiques américains, le parti démocrate et le parti libéral vont intégrer respectivement l’élite politique noire. Le droit de vivre pour chaque citoyen américain sera décrété inaliénable sur l’ensemble du territoire américain. Les théologiens américains vont plancher sur une relecture de la Bible, notamment de l’ancien testament. Sportin’Life : « Mathus’lem vécut neuf cents ans. Mathus’lem vécut neuf cents ans. Mais vous parlez d’une vie, ça, quand pas une fille se donn’ra à un bonhomme de neuf cents ans. Je veux montrer, en prêchant c’sermon, qu’y s’peut que ça soit, que ça soit, que ça soit, y’s’peut que ça soit autrement » (4). Par le principe de calomnie selon lequel “Kimbungu didi muan’andi, widi nsunga nkombo wu nukidi (L’hyène a dévoré son petit, parfumé de bouc)”, les Noirs Américains furent exclus d’accès aux études universitaires. Pour réparer cette injustice, un vaste programme politique avait dû être établi par certaines personnalités de la communauté noire, par certains abolitionnistes de l’esclavage et surtout par les églises baptistes ou chrétiennes autonomes pour la construction des universités destinées à l’émancipation économique et sociale d’une l’élite dans la population noire aux États-Unis. En 1880, des hommes politiques mundele du parti démocrate américain veulent conquérir l’électorat de la communauté noire pour gagner l’élection au Sénat à Montgomery, en Alabama. Ils se rapprochent d’un Africain Américain, Lewis Adams (1842-1905).  Au lieu de ne songer qu’à soi, Lewis Adams incorruptible, négocie sa condition de liberté pour promouvoir sa communauté. Il demande aux hommes politiques de la localité de financer la fondation d’une école normale pour les Afro-Américains à Tuskegee, à raison de US $ 2,000 par année. L’École Normale Negro à Tuskegee avait  été instituée au début de la législature de l’État en 1881. Dr Booker T. Washington fut le premier directeur de cette École normale supérieure destinée à la formation des enseignants noirs à Tuskegee. Il fit appel à l’agronome George Washington Carver (1864-1943) pour diriger la recherche et la formation. D’autres institutions supérieures de formations et de recherches, d’autres universités assurant la promotion de la compétence communautaire prirent naissance :

– 1881 : Spelman à Atlanta en Géorgie  ; 1867 : Morehouse college à Atlanta en Georgie  ; 1867 : Morgan college à Baltimore dans le Maryland  ;1867 : Howard University à Washington D.C.;  1877 : Jackson en Mississipi ; 1898 : Langston university à Oklahoma ; 1868 : Hampton university en Virgine. Les prestigieuses universités américaines Harvard, Princeton, Ucla, etc., vont s’ouvrir aux Intellectuels noirs, enseignants et étudiants, sans préjugés de couleur. La lutte de classes entre intellectuels noirs et blancs en Amérique va s’atténuer pour se substituer en une sorte d’émulation intellectuelle.

« New York ! Je dis New York, laisse affluer le sang noir dans ton sang
Qu’il dérouille tes articulations d’acier, comme une bulle de vie
Qu’il donne à tes ponts la courbe des croupes et la souplesse des lianes… (L. S. Senghor, A New York).

Mais déjà en 1928, Claude Mac Kay dans roman réaliste Banjo relatait la fulgurante avancée des Noirs Américains. Il y expose une conversation entre deux personnages, Ray, un écrivain noir américain échoué à Marseille et un étudiant ivoirien, curieux de connaître la condition des Noirs chez les Ricains : « Voyez-vous là-bas, le préjugé racial pousse les Noirs à s’unir pour développer leur vie communautaire. Les Noirs américains ont leurs propres écoles, leurs églises, leurs restaurants, leurs hôtels, leurs journaux, leurs théâtres, leurs cabarets. Ils travaillent pour les Blancs mais ils ont une vie sociale au sein de leur groupe, une activité intense et pleine de vie au milieu de l’armée de Blancs qui les entoure. (C. Mc Kay, op. cit. p. 198-199).

Logiquement les demandes des trois mousquetaires de la Négritude, Damas, Senghor et Césaire, auraient porté leurs fruits dans le monde francophone et plus étrangement en Guyane, au Sénégal et en Martinique; curieusement les États-Unis et la communauté noire américaine étaient les premiers à profiter du positivisme de la pensée de la négritude, la pensée de la liberté : « Dans ces conditions on comprend que nous ne puissions donner à personne délégation pour penser pour nous ; délégation pour chercher pour nous ; que nous ne puissions désormais accepter que qui que ce soit, fût-ce le meilleur de nos amis, se porte fort pour nous. » (5). Le pouvoir est au bout de la science et de la technologie. C’est la raison pour laquelle les États-Unis dominent le monde. Ils ont intégré l’élite noire américaine dans la production de l’économie américaine, alors qu’ailleurs dans le monde entier les Noirs sont réduits à la sous-consommation. Et aucun d’eux ne voudra que l’Amérique soit prise au piège dans sa propre histoire. Alors les Noirs savent dorénavant comme le grand poète dans une prison souterraine : The very time I thought I was lost, my dungeon shook and my chains fell off (Alors que je pensais que j’étais perdu, mon cachot souterrain a tremblé et mes chaînes tombèrent (James Baldwin, in The Fire next time). Il enchante l’espoir et l’optimisme.

Métamorphose du jazz : De born to swing à born free. 

Une certaine élite intellectuelle de musiciens de Jazz va sublimer l’état d’âme des Noirs américains dans leur trajectoire de musiciens. Ils vont opérer une révolution à l’intérieur de la musique. Pour que le bourreau arrête de persécuter ma conscience il faut que je sois capable d’exprimer sous forme imaginaire la terreur dont je suis victime ; puis la dépasser en formulant ma plainte sous forme esthétique. Cette démarche est hégélienne. C’est son point de rupture avec son cadet Karl Marx. Hegel ne prend pas les armes de guerre. Non ! Son militantisme s’investit au niveau de la création des concepts, au niveau de l’entendement. L’option hégélienne est la solution la plus difficile. Elle est académique. Cette réserve d’énergie est déjà création de la matière. Les Negro’spiritual sont un genre musical découvert par les Noirs américains pour accompagner la communion spirituelle de l’homme à Dieu. Le negro’spiritual est une source de force musicale libre indemne de toute pénétration étrangère à l’âme noire américaine. Sans aucune influence du Christianisme, de l’Islam, du judaïsme, ni du bouddhisme, c’est une relation directe, mystique de Dieu à la communauté noire américaine negro’spirituals fonde l’unité spirituelle des Noirs américains. Par contre dans le Gospels nous constatons la subordination de l’âme noire américaine aux églises occidentales. On parle ici d’acculturation, pont inéluctable entre l’Amérique blanche et l’Amérique noire ; il a accouché du Rock and Roll. Dans le Blues, l’homme noir se libère des contraintes communautaires. Il n’est plus américain, ni noir non plus ; il n’appartient plus à une famille. Il est seul au monde, né libre (born free), et interroge sa propre existence. Puisque l’homme a été créé à l’image de Dieu ; comme enfant de Dieu, il est son semblable. Dans le blues il peut le titiller en l’interpellant : « Pourquoi, y a-t-il tant de détenus Noirs dans les prisons américaines alors que la population noire aux États-Unis est la moins élevée ? ». Le bluesman trouve vain de relever la médiocrité du monde. Il est déjà responsable de sa propre vie. Égocentrisme, crieront certains ! Oui, le blues est une forme d’existentialisme. Mais Negro’spirituals, Gospels et Blues trouvent leur rayon de convergence vers le Jazz, la partie exacte de la pensée musicale noire américaine.

Du Bebop au Free-Jazz

De la période d’assimilation, le Jazz va connaître une période de rupture, nommée période de la séparation. C’est le Bebop. Charlie Parker (saxo alto), Dizzy Gillespie (trompette), Thelonious Monk (piano), le batteur cubain Mongo Santamaria, Sarah Vaughan (chanson). Le Bebopest un style de jazz élaboré dans les années 1940 aux USA par des musiciens noirs comme Charlie Parker(saxophone) et Dizzy Gillespie (trompette) ou Sarah Vaughan (voix scat), Thelonious Monk (piano) et bien d’autres. Les jazzmen réinterprètent sur un plan musical le rythme des coups de matraque assénés par un policier blanc sur la tête d’un Noir :  » Bop, Bop !… Be bop!…  » (6). Ramon « Mongo » Santamaria (7 avril 1917 à La Havane, Cuba – 1 février 2003) était un percussionniste de jazz latin afro cubain. Il est célèbre pour avoir composé le standard de jazz « Afro Blue, » enregistré par John Coltrane parmi d’autres, le 7 décembre 1963 à San Francisco. La version du John Coltrane Quartet fut composée de William John Coltrane (Saxophoniste, 1926-1967), de McCoy Tyner (piano), James Emery Jimmy Garrison (Contrebassiste, 1934-1976), Elvin Jones Ray (Batteur). En 1950 Mongo Santamaria s’est déplacé à New York où il avait joué avec Perez Prado, Tito Puente, Cal Tjader, Fania All Stars, etc. Il était une figure intégrale dans la fusion de rythmes afro cubains avec le Rythm and Blue et le Soul, et surtout avec la naissance du Be-Bop ! Inéluctablement, le bebop est structuré autour de la discontinuité mélodique et rythmique. La section rythmique marque le tempo, la vitesse d’exécution de la musique. Batterie, contrebasse, piano, guitare. La section mélodique comporte des cuivres : trompette, clarinette, saxophone, etc. Entre le batteur de tambour et le saxophone, il y a comme une mésentente chaotique. Ipso facto, le bebop opère une rupture avec le swing, le jazz des vétérans devenus des amuseurs publics (7). Le bebop s’insurge contre le show-business et consolide des jam sessions pour militants expérimentés. Puis rupture à l’intérieur du Bebop et naissance du Free-Jazz. Le bebop annonce le free-jazz. Coleman Hawkins au saxophone, Sun Ra au piano avec son Sun Ra Arkestra, John Coltrane, Cecil Taylor, Max Roach, Ornette Coleman, Art Ensemble of Chicago, Albert Ayler, Don Cherry, Charles Mingus, Archie Sheep, Abbey Lincoln, le Sud-Africain Dollar Brand (Abdullad Ibrahim) reconnu par ses pairs Noirs américains, etc. Les Jazzmen vont inscrire l’histoire contemporaine de l’Amérique des années 1960 dans l’histoire du Jazz. La rupture ne sera pas politique, mais esthétique. Plusieurs explications concourent à la définition du free-jazz. Je peux situer l’essence du free-jazz, dans la relation dissymétrique entre le rythme et la mélodie. La section rythmique est incarnée par le batteur et la section mélodique est mieux rendue par le saxophoniste. En se déplaçant vers certaines origines africaines du jazz notamment chez les Kongo, on retrouve un ensemble instrumental particulier composé de ngoma (tambour) et de mpungi (trompe). S’il a fallu des siècles à la musique classique européenne pour s’étendre à toutes les nations du monde, le jazz américain, en moins d’un siècle, s’est imposé comme une musique d’avant-garde à tous les peuples de la terre. Le jazz est le manifeste de l’identité noire américaine.

Un monument du free-jazz : Pharoah Sanders

Nous l’avons rencontré pour la première fois à Bobigny (France) en 1994 où il accompagnait le pianiste sud-africain Mbeki Mseleku. Pharoah Sanders de son vrai nom Ferrel Sanders, naît à Little Rock, dans l’Arkansas, le 13 Octobre 1940. Il s’installe à New York en 1962 où il joue avec des musiciens comme Rashied Ali, John Gilmore dans l’orchestre de Sun Ra. Celui-ci fut marqué par la cosmologie paléoégyptienne et influença John Coltrane et Pharoah Sanders.

Il adopte le surnom Pharoah. Avec Don Cherry il enregistre Symphony For Improvisersen 1966. Remarqué par John Coltrane, il intègre son groupe et enregistre plusieurs albums importants avec lui :Collègue de John Coltrane. En 1965, dans le John Coltrane Quartet composé de McCoy Tyner, Jimmy Garrison, Elvin Jones, D. Garrett, F. Butler, J. Lewis, Pharoah Sanders participe à la réalisation du monument Kulu Sé Mama chez Impulse.En 1965-1966, dans le John Coltrane Quartet/Group composé de McCoy Tyner, Jimmy Garrison, Alice Coltrane, Elvin Jones, Rashied Ali, C. Haden, R. Appleton, Pharoah Sanders participe à la production du disque Infinity chez Impulse..En 1965, dans le John Coltrane Orchestra composé de F. Hubbard, D. Johnson, J. Tchicai, M. Brown, Archie Sheep, McCoy Tyner, Jimmy Garrison, A. Davis, Elvin Jones, Pharoah Sanders participe à la production du disque Ascension chez Impulse.

En 1965, dans le John Coltrane Group composé de J. Brazil, D. Garrett, McCoy Tyner, Jimmy Garrison, Elvin Jones, Pharoah Sanders participe de la mythologie du Free-jazz OM chez Impulse. Au dernier moment de sa vie, Alice Coltrane, après la mort de son frère (au sens égyptien du terme) John Coltrane, quand on écoute sa musique, elle tendait vers une symbiose spirituelle avec la musique de Sun Ra. Celle-ci tourne autour de OM. Autrement relaté Sun Ra, la dernière Alice Coltrane ou Art Ensemble of Chicago peut être entendu comme un développement de OM. En tout cas, Sun Ra est une série infinie de la musique OM de Coltrane.

En 1965, dans le John Coltrane Sextet composé de McCoy Tyner, Jimmy Garrison, Elvin Jones, Rashied Ali, Pharoah Sanders participe à la production du disque Meditations chez Impulse.

En 1966, dans le John Coltrane Group composé de Jimmy Garrison, Alice Coltrane, Rashied Ali, B. Riley, Pharoah Sanders participe à la production du disque Cosmic Music chez Coltrane Recording Corporation.

En 1966 – 1967, dans le John Coltrane Group composé de Jimmy Garrison, Alice Coltrane, Rashied Ali, R. Appleton, C. Haden, Pharoah Sanders participe à la production du disque The Mastery of John Coltrane/Vol. 3, Jupiter Variation chez Impulse.

En 1966, dans le John Coltrane Sextet composé de Jimmy Garrison, Alice Coltrane, Rashied Ali, E. Rahim, Pharoah Sanders participe à la production du disque Coltrane, Live At The Village Vanguard Again ! chez Impulse.

En 1966, dans le John Coltrane Quintet composé de Jimmy Garrison, Alice Coltrane, Rashied Ali, Pharoah Sanders participe à la production du disque Second Night In Tokyo chez Impulse Jap.

En 1966, dans le John Coltrane Quintet composé de Jimmy Garrison, Alice Coltrane, Rashied Ali, Pharoah Sanders participe à la production du disque Coltrane In Japan chez Impulse Jap.

En 1967, dans le John Coltrane Quintet composé de Jimmy Garrison, Alice Coltrane, Rashied Ali, Pharoah Sanders participe à la production du disque Expression chez Impulse.

En 1993, Pharoah Sanders, Abbey Lincoln, Elvin Jones and al, participent de la création de Timelessness du Sudafricain MBeki Mseleku.

Sa propre production. 1964, Pharoah’s First 1966, Pharoah Sanders Quintet, Tauhid chez Impulse. 1969, KarmaJewells Of Thought, chez Impulse. 1970, Summum Bukmun Umyun, chez Impulse. 1970/1971, Thembi, chez Impulse. 1971, Black Unity, chez Impulse. 1972, Live At Least, Wisdow Through Music, chez Impulse. 1971/1972/1973, Village of The Pharoahs, chez Impulse. 1973, Elevation, chez Impulse. 1976, Pharoah, Chez India Navigation. 1987, Africa chez Timeless.

Toni Morrison monument de la littérature américaine conquiert Paris.

Le Festival America des littératures et cultures d’Amérique du Nord se déroule du 21 au 23 septembre 2012 à Vincennes en France. Dans ce cadre, l’écrivaine noire américaine Toni Morrison est venue dialoguer avec ses lecteurs autour de son nouveau roman Home. Le Festival America honore des écrivains du Canada (Dianne Warren), des États-Unis d’Amérique (Julie Otsuka), du Mexique (Eduardo Antonio Parra), de Cuba (Karla Suárez), d’Haïti (Marvin Victor), d’Argentine (Alan Pauls), du Chili (Ángel Parra), du Pérou (Santiago Roncagliolo), d’Uruguay (Carlos Liscano), de Guatemala (Rodrigo Rey Rosa), de Nicaragua (Sergio Ramírez), du Brésil (Luiz Ruffato) et de Colombie (Juan Gabriel Vásquez), parmi tant d’autres présents. Cette année 2012, Toni Morrison est l’invitée d’honneur. La rencontre s’est déroulée dans le Centre culturel John Steinbeck / Centre Georges Pompidou. La salle ne pouvait pas accueillir tous les lecteurs de Toni Morrison. Un petit écran plat a été improvisé pour les recalés à l’extérieur du 142 de la rue de Fontenay à Vincennes. J’en faisais partie. Une dame posait des questions à Toni Morrison en français, censées plaider les interrogations des lecteurs présents. Une autre dame traduisait en anglais américain auprès de Toni Morrison. Enfin celle-ci, répondait aux différentes questions. La deuxième dame assurait de nouveau la traduction française. Notre frustration naissait de l’impossibilité d’interpeller directement Toni Morrison. Le dialogue portait sur son dernier roman Home que nous n’avons pas encore acquis. La grande littérature n’est pas seulement un travail d’écriture, de narration. C’est aussi et surtout un travail de recherche scientifique, je veux dire historique. Toni Morrison n’est pas seulement un témoin de l’histoire noire américaine. Une question nous avait embarrassé : «Vous considérez-vous comme un écrivain politique ?» Toni Morrison répondit par l’affirmative, en fustigeant la posture américaine pendant la guerre froide, consistant à défendre l’esthétique de l’art, de la littérature pour s’opposer à l’Union soviétique avocate d’une littérature expression d’un engagement politique. Les personnages des romans de Toni Morrison incarnent l’histoire contemporaine de l’Amérique noire, indienne, blanche et jaune. Toni Morrison secoue, déniche les poux parasites des cheveux de l’âme américaine. C’est une métaphore. Toni Morrison joue le même rôle en littérature que celui joué par les jazzwomen en musique. Réconcilier les Américains avec eux-mêmes, avec leur propre histoire. La littérature américaine écrite exclusivement par les Américains blancs était incomplète. Pour compenser cette incertitude, il a fallu que les Noirs Américains racontent avec leurs mots, les maux, les histoires qu’ils ont vécues. Comme dira l’autre, «La compréhension de sa propre aliénation est en même temps le moyen de sa libération».

Après un moment de repos suivait la deuxième phase des dédicaces. La queue était interminable. Je ne croyais pas qu’elle aurait la force de recevoir tous ses lecteurs. Je vous donne en mille, j’ai été reçu à la cent vingt cinquième (125) position ! L’attente fut longue. Me voici, vis-à-vis, devant Toni Morrison, assise dans un fauteuil roulant ; les cheveux blancs coiffés d‘un feutre latino-américain. Toni Morrison a tout de même 82 ans ! Elle a traversé le 20 e siècle. Les cicatrices de l’histoire laissent des empreintes indélébiles sur les corps vivants des écrivains. Une dame prépare mon roman à dédicacer. Je lui ai présenté son roman Jazz en précisant mes origines Congo. Elle a souri en répétant : «Oh ! Congo». Elle a signé ! Le moment est court. Un monsieur accompagne le lecteur dédicacé à descendre les petites marches pour ne pas encombrer la tribune. On traîne, on veut prendre des photos souvenirs. Il y a des gens dans la vie qui vous donnent l’énergie de vivre, l‘envie de rester à côté d‘eux. Ils sont denses. Toni Morrison en fait partie. L’idée de retourner chez moi, ne plus la revoir me torture. Personne ne peut me comprendre dans cette foule anonyme. Et cela me tourmente. J’en avais d’autres à dédicacer. Tar Baby, Beloved, Love, Un don, Le chant de Salomon, L’oeil le plus bleu. Mais il faut partir. Il fallait donner la chance à d’autres lecteurs impatients de recevoir leur sésame. Pourquoi nos trajectoires ne se sont-elles pas croisées plus tôt ? Toni Morrison ! Un monument ! Une utopie à elle seule ! Une œuvre d’art !

Bibliographie consultée des chapitres 6-7-8. – Les références musicales de Pharaoh sanders ont été tirés de J.C. Thomas, Chasin’the Trane, John Coltrane, Paris, Denoël, 1975. – Yves Sportis, Free Jazz, L’instant, 1990. – Philippe Carles et Jean-Louis Comoli, Free jazz, Black Power, Galilée, 1979. – Melvin van Peebles, Sweet Sweetback’s Baadasssss song, Rouge profond, Arte, 2004. – Frank Kofsky, Black Nationalism and the revolution in music, USA, Pathfinder Press, 1970. – LeRoi Jones (Amiri Imamu Baraka), Black Music, New york, Da Capo press, 1998. – LeRoi Jones, Musique noire, Paris, Buchet/Chastel, 1969. – Michel Fabre, La rive noire, Marseille, André Dimanche, 1999. – Les Cahiers du Jazz, « Etude du free », revue n°8, Puf, juillet 1996. – Revue d’esthétique, n° 19, Paris, Jean Michel place, 1991 – Werewere Liking, Un Touareg s’est marié à une Pygmée, Lansman, 1992. – John F. Szwed, Space is the place, the lives and times of Sun Ra, New York, Da Capo Press, 1998. – Gershwin, Porgy and Bess, L’avant-scène opéra, nov. 1987, n°103. – Jeff Louna, Bruno Houla, Biks Bikouta, Jazz Meeting at Brazzaville – Jungle Trio, 33 tours, éditions Fétiches, 1984, Présentation de Alphonse Marie Toukas (Mfumu Katumuko). – André Hodeir, Hommes et problèmes du Jazz, Parenthèses, 1981. – Ronald L. Morris, Le Jazz et les gangsters, 1880-1940, Paris, Abbeville, 1997. – Claude Mckay, Banjo, 2000, The X Press. Cependant nous avons travaillé sur sa version française, publiée par les éditions Rive Noire de Marseille en 1999.

Notes bibliographiques générales.

1. Claude MacKay, Banjo, Marseille, André Dimanche éditeur, 1999, p. 58. 2. M’Boka Kiese, « La faillite du monopartisme au Congo-Brazzaville. Le devoir des Intellectuels et celui de l’opposition », Revue Peuples Noirs – Peuples Africains, Rouen, n° 63-66, mai-déc. 1988. 3. Armand Cuvelier, Nouveau vocabulaire philosophique, Paris, Armand Colin, 1961. 4. George Gershwin, Porgy and Bess, Scène 2 – L’île de Kittiwah, L’avant-scène Opéra, 1987, p.65-66. 5. Aimé Césaire, Lettre à Maurice Thorez, Paris, Présence Africaine, 1956. 6. Christian Béthune, « Glossaire », Revue d’esthétique, Paris, 1991, p. 206. 7. Ronald L. Morris, Le jazz et les gangsters, Paris, Abbeville, 1997. Copyright : M’Boka Kiese.

2 réponses

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