Hugues Eta: Tout l’espoir de devenir écrivain un jour

Marie-Léontine Tsibinda Bilombo

Hugues Eta: Tout l’espoir de devenir écrivain un jour

Hugues Eta : Tout l’espoir de devenir écrivain un jour

  Hugues Eta est un homme de Lettres de nationalité congolaise. Il est né à Dolisie, en 1971. Suite à l’affectation de son père, enseignant de carrière, il quitte sa ville natale à l’âge de trois ans pour une autre ville du Congo : Gamboma. Des années plus tard, il s’installe à Brazzaville où il fait toutes ses études (primaires, secondaires et universitaires). Il est titulaire d’une licence ès Lettres, option Langues Vivantes Étrangères (L.V.E.) de l’université Marien Ngouabi de Brazzaville. Hugues Eta travaille actuellement comme enseignant de français langue étrangère pour le compte de l’Institut Français du Congo, antenne de Pointe-Noire.

La lecture une passion ?

Ma passion pour l’écriture s’enracine et s’enflamme dans le goût de lire les bandes dessinées, en classe au Cours Élémentaire 2, au primaire, dans la fréquentation des bibliothèques, la correspondance suivie (comme c’était à la mode vers la fin des années 90, avoir des amis à travers le monde) et aussi les cours de français, un peu plus tard au lycée quand j’ai commencé à découvrir les auteurs congolais en particulier.

Des encouragements venus de la part de la famille ?

Je me souviendrai toujours d’un cours sur la versification qui m’a poussé à écrire mon premier poème. Encouragé par le poète Benjamin Abialo, mon oncle, je me suis lancé dans la participation aux concours de poésie pour me convaincre de beaux commentaires que ce dernier faisait en lisant mes premiers textes. A l’époque, en 1992, j’ai gagné un prix à la suite d’un concours de poésie organisé par le Centre Culturel Américain de Brazzaville. Il avait pour thème ”Martin Luther King, Apôtre de la paix.” Et mon texte s’intitulait La volée du cygne. Ensuite, sélectionné par La Maison de poésie de Paris en 1996 pour le Prix Arthur Rimbaud, j’ai vu mes trois poèmes être publiés dans une anthologie intitulée La fleur de l’âge. De là, est parti tout l’espoir de devenir écrivain un jour.

Pouvez-vous citer quelques-uns de vos titres sur le marché du livre ?

En tant que poète, j’ai publié Mourir pour naître aux éditions La Bruyère en France. Dans ce recueil, je parle justement de la peine qu’il faut se donner pour réussir. Mon deuxième recueil de poèmes s’intitule L’os de mes eaux. J’y aborde toujours le thème de l’effort comme condition pour réaliser un rêve.

Je viens de publier Le deuxième rire des cendres

dans lequel je redonne de la place à nos ancêtres qui représentent les racines dont je suis l’une des branches de l’arbre Congo. Cet ouvrage m’a valu récemment le Prix Philippe Courtel 2024. Je n’oublie pas d’évoquer L’âme des Larmes, bien qu’il ne soit pas encore publié, un recueil qui a contribué à ma visibilité grâce au prix Paul Éluard de la Société des Poètes Français en 2012.

La culture un moteur de mérite ?

Un peuple vaut d’abord par le sens qu’il donne à sa culture. C’est donc un problème de choix! Un élève qui choisit de tricher pour réussir s’inculque une culture. Celui qui privilégie l’effort et l’honnêteté et l’effort s’offre certainement une culture de la dignité et du mérite.

Mais vous publiez des romans également…

Je suis à ce jour auteur de trois romans. Le thème que j’aborde est principalement l’éducation. Pour avoir enseigné dans les écoles privées, j’ai découvert que la jeunesse est en train de se diriger vers un supermarché dont les produits sont avariés pour faire les courses liées à son avenir. Par ailleurs, L’Odyssée d’Ontsihô L Onkouo, mon récent roman paru en juillet 2024 aux Lettres Mouchetées est une invitation à la pugnacité. Il s’adresse à cette jeunesse qui ne veut pas se relever chaque fois qu’elle tombe sur la route du succès.

Que pensez-vous des prix et des distinctions ?

Quand on écrit, on souhaite se faire lire. Or, un prix littéraire contribue généralement à la visibilité d’un auteur. Pour les écrivains de ma génération, peu connus à l’échelle internationale, la promotion faite par une distinction n’est que la bienvenue.

Et vous aviez débarqué un jour à Pointe-Noire ?

Je fus émerveillé par la vue de l’océan quand j’arrivai pour la première fois à Pointe-Noire, en 1997. Aujourd’hui, je me plais à vivre dans cette ville parce qu’elle propose de l’embauche à mes muses à travers les vagues de l’océan Atlantique, le crépuscule, la forêt du Mayombe juste à côté. Pointe-Noire, c’est aussi un héritage pour le poète que je suis parce que les noms de Tchicaya U Tam’si et de Tati-Loutard y sont liés. Écrire à Pointe-Noire est une responsabilité qu’il faut arriver à assumer.

Pointe-Noire c’est la rencontre avec l’Atlantique, Brazzaville le murmure du fleuve?

Vous faites allusion certainement à L’Odyssée d’Ontsihô L Onkouo. Bref, le fleuve représente Brazzaville et l’océan ou la mer, c’est Pointe-Noire à mon sens. L’eau reste une source d’inspiration intarissable en parlant de ma plume. Le Congo, au-delà de tout, est le témoin de mon mariage avec la littérature.

Y a-t-il des genres littéraires qui vous parlent le plus?

En fait je suis tenté par tous les genres littéraires bien que je considère la poésie comme mon genre de prédilection. Je ne cherche pas d’autre part qu’on reconnaisse en moi un écrivain prolifique. Je cherche qu’un livre parle plus de moi plutôt que le contraire. Bref, j’ai publié un conte dans l’anthologie des soixante ans de la littérature congolaise. J’en ai d’autres que je publierai un jour comme le fait la conteuse Adèle Caby Livannah. Quant au théâtre, j’ai un manuscrit que je dois encore travailler avant de contacter un éditeur.

 Jeunesse et création littéraire : une rencontre merveilleuse ?

À mon avis, la jeunesse n’arrive pas encore à inscrire dans sa mentalité la culture de l’ingéniosité. Elle est figée sur le chemin traditionnel de la réussite qui consiste à croire qu’après avoir obtenu des diplômes, le chemin de la réussite lui est garanti. C’est une jeunesse qui refuse de voir la réalité qui s’impose. Le bon Dieu a doté chacun de nous d’un talent que nous devons exploiter. Malheureusement, tout le monde veut réussir, mais personne ne s’arme de patience et de persévérance pour en payer le prix.

 Propos recueillis par Marie-Léontine Tsibinda Bilombo