Être Noir·e aux États-Unis : 6 grands récits sur les problématiques raciales américaines
#BlackLivesMatter |Harriet Beecher Stowe, James Baldwin, Toni Morrison… A travers leurs romans, elles et ils ont dépeint les violences, les injustices, le mépris subis par les Noirs aux Etats-Unis depuis la naissance du pays.

« L’histoire des Noirs en Amérique, c’est l’histoire de l’Amérique. Et ce n’est pas une belle histoire« , déplorait le grand écrivain afro-américain James Baldwin. Cette phrase résonne encore bruyamment aujourd’hui, alors que les Etats-Unis sont à nouveau endeuillés par le meurtre d’un Afro-américain au cours d’une arrestation policière. Depuis des siècles, de grands écrivains de la littérature américaine racontent la permanence des stigmatisations et violences subies par les Afro-Américains, dans un pays où le racisme s’est enraciné. Qu’ils aient été écrits par des auteurs noirs ou blancs, certains de ces ouvrages ont particulièrement marqué leur époque, en provoquant une prise de conscience et bousculant l’opinion publique. Du temps de l’esclavage à celui des violences policières en passant par la ségrégation, retrouvez dans cette sélection de six grands romans la voix de ceux qui témoignent de la difficulté d’être Noir aux Etats-Unis.
Harriet Beecher Stowe, « La Case de l’Oncle Tom » (1852)
En plus d’être le roman le plus vendu du XIXe siècle, La Case de l’Oncle Tom (1852) d’Harriet Beecher Stowe est considéré comme l’une des plus grandes prouesses de persuasion de l’histoire des Etats-Unis. Cette oeuvre a permis de renforcer le débat autour de l’institution esclavagiste, particulièrement ancrée au Sud du pays, en décrivant les horreurs vécues par l’Oncle Tom, un esclave noir qui s’accroche à sa foi pour survivre au cauchemar. En 1850, deux ans avant la publication du roman, le Fugitive Slave Act est adopté, contraignant les Nordistes à venir en aide aux propriétaires sudistes pour rapatrier les esclaves en fuite vers le Nord. C’est ainsi que de nombreux Blancs abolitionnistes, aux rangs desquels Harriet Beecher Stowe, commencèrent à élever plus résolument leurs voix contre l’esclavage, en refusant de participer à cette entreprise barbare. Cette loi poussa la romancière à prendre la plume, après avoir assisté à une vente d’esclaves, scène qui a inspiré l’ouverture de son récit.
Durant la seconde moitié du XIXe siècle, alors que les débats s’enflammaient autour de l’abolition de l’esclavage, La Case de l’Oncle Tom a littéralement mis le feu aux poudres. On dit en effet que ce roman est l’un des éléments déclencheurs de la guerre de Sécession (1861-1865). En cristallisant les tensions entre pro et anti-esclavagistes, l’histoire de l’Oncle Tom a mis tout un système en branle, exposant ses contradictions. Comment un pays peut-il soutenir des valeurs chrétiennes comme la charité et l’amour de son prochain, tout en commettant de telles atrocités sur des êtres humains ?
En 1840, les traqueurs d’esclaves, soutenus par la lie de la population, et lancés par certains hommes politiques, assaillirent les quartiers des noirs libres, les pillèrent, et en firent le sac. Les malheureux nègres qui essayèrent de défendre leurs propriétés furent tués ; on jeta dans les rues leurs corps mutilés : il y eut des femmes violées, et quelques-unes moururent par suite des outrages auxquels elles furent en butte. Pendant plusieurs jours la ville fut livrée au plus affreux désordre, et au milieu de la confusion générale, des hommes, des femmes, des enfants de couleur, furent enlevés et vendus au Sud, quoique affranchis. Harriet Beecher Stowe, « La Case de l’Oncle Tom »
La publication du roman d’Harriet Beecher Stowe a entraîné une incroyable prise de conscience non seulement aux Etats-Unis, mais plus largement dans le monde entier. Son personnage s’est transformé en martyr. Maltraité par son terrible maître Simon Legree, parangon de l’avidité et du mépris, l’Oncle Tom inspira les « Tom Shows« , du nom des adaptations théâtrales du roman, jouées dans les quatre coins du monde. Ces spectacles, pourtant initiés par un élan abolitionniste et humaniste, sont aujourd’hui remis en cause : en empruntant les images caricaturées des Noirs aux minstrel shows, ils ont contribué à alimenter des stéréotypes racistes après l’abolition de l’esclavage. Cette « Tom-mania » a néanmoins eu un fort impact à son époque. Après cela, impossible de ne pas se positionner sur la question : les batailles culturelles étaient lancées, prémices d’un véritable conflit, celui de la guerre de Sécession. Il est dit que, lors de leur rencontre, Abraham Lincoln aurait parlé d’Harriet Beecher Stowe en ces termes : « C’est donc cette petite dame qui est responsable de cette grande guerre ? »
Zora Neale Hurston, « Mais leurs yeux dardaient sur Dieu » (1937)
Son titre est mystérieux, mais le roman écrit par Zora Neale Hurston en 1937 n’a rien de mystique. C’est d’abord une histoire d’amour et une quête d’émancipation. Celles de Janie Crawford, fille d’esclave née d’un viol et élevée par sa grand-mère, qui raconte ses trois mariages, ses trois vies de femme noire-américaine au début du XXe siècle. D’abord un mariage arrangé avec un fermier fruste, qu’elle quittera pour s’enfuir à Eatonville avec l’ambitieux Joe Starks. Mais Janie s’aperçoit alors bientôt qu’elle n’est pour lui qu’un trophée, qui n’a pas sa place sous le porche où toutes les décisions – mais aussi tous les ragots – se font. Devenue veuve, Janie s’éprend d’un vagabond, Vergible Woods. Cette fois, c’est la promesse d’égalité au sein du couple qui la guide. Mais la romance prend un tour dramatique. Au soir de sa vie, Janie est seule, mais libre.
A travers ces trois aventures, ce que raconte Zora Neale Hurston, c’est surtout la soif de liberté d’une femme noire dans le sud des Etats-Unis, où sévit durement le racisme. Ici, la fin de la guerre de la Sécession en 1865 a entraîné l’abolition de l’esclavage et la libération de près de quatre millions d’esclaves. Mais progressivement, la ségrégation raciale s’y est installée. Les lynchages et la création du Ku Klux Klan, société suprémaciste blanche et terroriste, mettent en danger ces nouveaux citoyens. Puisqu’ils ne peuvent vivre en sécurité avec les Blancs, certains Afro-Américains créent des communautés séparées. C’est le cas d’Eatonville, la première ville américaine entièrement administrée par des Afro-Américains, dans laquelle Zora Neale Hurston a vécu, comme son héroïne.
Aux Etats-Unis, c’est un roman culte. De nombreuses autrices afro-américaines comme Maya Angelou, Alice Walker ou Zadie Smith le placent au sommet de leur panthéon littéraire personnel. S’il est aujourd’hui étudié dans les écoles américaines comme un classique, Mais leurs yeux dardaient sur Dieu a été plutôt mal reçu à sa parution. On a reproché à son autrice l’usage du dialecte parlé par les Noirs du sud, une langue imagée proche du créole, mais également de raconter les divisions au sein de la communauté afro-américaine, basées sur la couleur plus ou moins sombre de leur peau… Anthropologue et grande voyageuse, Zora Neale Hurston est considérée comme l’une des premières voix de la conscience noire de la littérature américaine. Pour Toni Morrison, elle est tout simplement « l’une des plus grandes écrivaines de notre époque ».
Tellement j’en ai passé du temps avec eux les ptis blancs que jusqu’à mes six ans par là j’ai jamais su que j’étais pas blanche. Et j’aurais pas rien découvert pareil, mais vlà un homme y vient pour prendre des photos (…). Donc une fois qu’on a bien zyeuté la photo et tout le monde s’est vu pointé dessus, reste plus personne à montrer sauf une ptite noire vraiment noire avec des cheveux longs là au proche d’Eleanor. Moi c’est là que j’étais supposée à me trouver mais moi la ptite noire toute noire je pouvais pas croire qu’elle était moi. Donc j’ai demandé, Où c’est chuis rendue, moi ? Me vois même pas. Et tout le monde y ont rigolé, même Miste Washburn. Miss Nellie, qu’était la maama des tizenfants (…) elle a pointé vers la ptite noire et elle a dit : C’est toi, Alphabet. Tu te connais donc pas toi-même ? Zora Neale Hurston, « Mais leurs yeux dardaient sur Dieu »
Richard Wright, « Black Boy » (1945)
« La lecture me stimulait, mais me déprimait aussi, car elle me montrait ce qui était possible, tout ce qui m’avait été refusé. (…) Je n’avais plus simplement l’impression que le monde autour de moi m’était hostile, me tuait, je le savais. » Black Boy (1945) est le récit autobiographique de Richard Wright, né au sein d’une famille métissée (afro-américaine, blanche et indienne Choctaw). Un roman aux accents existentialistes, qui fait surgir par l’écriture la prise de conscience des inégalités raciales qui jalonnent l’existence d’un petit garçon afro-américain dans les années 1920. Si le jeune Richard parvient presque à admettre la bigoterie de sa famille, la violente autorité paternelle et même la pauvreté, il ne peut accepter le racisme qu’il est appelé à subir toute sa vie : « J’avais commencé trop tard à affronter le monde blanc. Il m’était impossible de faire de la servilité une partie machinale de mon comportement. » Dans ce récit, on trouve à la fois le témoignage de la peur mêlée de honte et le refus de se soumettre à un système injuste qui se manifeste à travers des préjugés et humiliations quotidiennes, mais aussi des lois foncièrement racistes :
Le rêve que j’échafaudais, tout le système d’éducation du Sud avait pour mission de l’étouffer. L’Etat du Mississippi avait dépensé des millions de dollars pour s’assurer que je n’éprouverais jamais les sentiments que j’étais précisément en train d’éprouver ; je commençais à ressentir ce que les lois de ségrégation des Nègres devaient empêcher de laisser parvenir à ma conscience. Richard Wright, « Black Boy »
Cette conscience des privilèges des Blancs se cristallise aussi avec la littérature que dévore Richard pour s’évader. Mais même dans la fiction, les Noirs sont invisibilisés. Pire, toutes les aventures et sentiments qu’il peut ressentir par procuration grâce aux romans lui rappellent, par effet de contraste, que les Afro-Américains ne peuvent vivre pleinement leurs aspirations :
J’avais soif de livres, de nouvelles façons de voir et de concevoir. L’important n’était pas de croire ou de ne pas croire à mes lectures, mais de ressentir du neuf, d’être affecté par quelque chose qui transformât l’aspect du monde. (….) Je savais maintenant ce que représentait le fait d’être nègre. J’étais capable de supporter la faim. J’avais appris à vivre dans la haine. Mais de sentir que certains sentiments m’étaient refusés, que l’essence même de la vie était inaccessible, cela me faisait mal, me blessant par dessus tout. Une faim nouvelle était née en moi. Richard Wright, « Black Boy »
John Howard Griffin, « Dans la peau d’un noir » (1961)
En 1959, John Howard Griffin (1920-1980) découvre l’inquiétant taux de suicides des Afro-Américains dans le Sud des Etats-Unis. Il est stupéfait. Dans une société ségrégationniste où les violences raciales sont taboues, bien que réelles, le journaliste blanc et texan s’interroge sur les ressorts d’une telle injustice : “Qu’éprouve-t-on lorsqu’on est l’objet d’une discrimination fondée sur la couleur de votre peau, c’est-à-dire sur quelque chose qui échappe à votre contrôle ?” Pour répondre à cette question, l’auteur décide de mener une enquête immersive en devenant lui-même le sujet de son analyse : il se met « dans la peau d’un noir ». Pour ce faire, Griffin entame un traitement dermatologique (lampe à UV et prise de pilules contre la maladie du vitiligo qui éclaircissent la peau) afin de rendre son épiderme plus foncé, et organise un voyage de six semaines dans les Etats les plus racistes du Sud du pays, en se présentant comme Afro-Américain. Deux ans plus tard, il publie son carnet de route Dans la peau d’un noir (titre original : Black Like Me), récit d’une expérience immersive poussée à l’extrême, et livre un témoignage inédit – car subi par un homme blanc – du racisme.
Dans un flot de lumière reflété par le carrelage blanc, le visage et les épaules d’un inconnu – un Noir farouche, chauve, très foncé – me fixait avec intensité dans le miroir. (…) La transformation était complète et bouleversante. Je m’attendais à me trouver déguisé, ceci était tout autre chose. J.H. Griffin, « Dans la peau d’un noir »
Dans cet ouvrage, le journaliste texan tente de pallier l’incommunicabilité entre deux Amériques, en cherchant des réponses à ses propres incompréhensions. “La seule façon possible de combler le gouffre entre nous, me semblait-il, était de devenir un Noir.” A travers son récit autobiographique, Griffin livre une étude des stéréotypes, des humiliations arbitraires, des difficultés à trouver un travail décent, de l’animosité, du mépris à l’égard de la communauté noire. Il dépeint les mécaniques de “l’œil haineux” que les Blancs racistes réservent aux Noirs. Un regard qui tue, littéralement, les taux de suicides des Afro-Américains, à l’époque de Griffin ou aujourd’hui, le prouvent (comme le montre une étude sur le suicide des adolescents américains réalisée par l’American Academy of Pediatrics en 2019).
Quelques mois après son immersion, la peau du journaliste redevient blanche, mais il se retrouve profondément bouleversé par cette expérience : « mon esprit avait subi la même transformation que ma figure« . La réception de son ouvrage fut mitigée. Son travail immersif est salué et fait figure de référence dans la littérature sur le genre du journalisme immersif. Néanmoins, les activistes afro-américains de l’époque estiment que sa performance révèle la naïveté de Griffin qui, selon eux, omet le poids de l’histoire dans son récit : quelques semaines sous traitement ne suffisent pas à réellement s’identifier à la condition noire américaine.
Aujourd’hui encore, la réception de l’oeuvre est parfois ambiguë. L’idée qu’un homme blanc se noircisse la peau pour parler au nom des Noirs apparaît comme une entreprise maladroite et paternaliste. Pour certains, la démarche de Griffin s’apparente à du blackface. Sans doute est-il dommage qu’il faille aller jusque-là pour admettre l’existence du racisme systémique. Selon le militant noir Stokely Carmichael, aussi connu sous le nom de Kwame Ture, Dans la peau d’un noir est donc « un livre excellent… pour les Blancs« . Griffin en convenait ; il avait même fini par arrêter de donner des conférences sur cet ouvrage, trouvant qu’il était « absurde pour un homme blanc de prétendre parler au nom des Noirs alors qu’ils ont leur propres voix ». Toutefois, replacé dans son contexte, Dans la peau d’un noir apparaît comme un réel effort pour ouvrir les yeux de l’Amérique blanche des années 1960, notamment celle qui refuse d’écouter les Noirs lorsqu’ils cherchent à exprimer leur colère. C’est ce qu’avance Robert Bonazzi, auteur de Man in the Mirror : John Howard Griffin and the Story of Black Like Me (1997), dans une interview pour le Smithsonian Magazine : « C’est un document historique utile sur l’ère ségrégationniste, qui, encore aujourd’hui, produit une onde de choc chez les jeunes lecteurs. C’est aussi un récit sincère dans lequel Griffin admet son propre racisme et auquel les lecteurs blancs peuvent s’identifier, pour ensuite, peut-être, faire face à leur propre déni de justice » [traduction des rédactrices]. Ainsi, Griffin déconstruit, à sa manière, l’idéologie du suprémacisme blanc : « Je n’ai pas été chargé de défendre la cause des Noirs. J’ai cherché ce qu’ils avaient d’ “inférieur” et je n’ai pas trouvé ».
James Baldwin, « Si Beale Street pouvait parler » (1974)
Accusés à tort d’avoir violé deux femmes blanches, neuf jeunes Afro-Américains âgés de 12 à 20 ans ont été condamnés à mort, après trois procès expéditifs, en 1932. On les a appelés les « Scottsboro Boys » et leur histoire est emblématique des discriminations raciales qui entravent la justice américaine. Selon un rapport du National Registry of Exonerations publié en 2017, les Afro-Américains représentent 13% de la population américaine, mais comptent pour 47% des 2 000 déclarations d’innocence après des erreurs judiciaires. C’est une partie de cette réalité que dépeint James Baldwin dans Si Beale Street pouvait parler.
Adapté au cinéma par Barry Jenkins en 2018, ce roman montre comment le politique s’immisce, presque inévitablement, dans la vie intime des Afro-Américains. L’histoire se passe à Harlem, dans les années 1970. Tish et Fonny, âgés d’à peine 20 ans, s’aiment depuis toujours, attendent un enfant et sont définitivement prêts à vivre le restant de leur vie à deux. La promesse de bonheur de ce tableau se brise lorsque Fonny est incarcéré : on l’accuse d’avoir violé une jeune femme porto-ricaine, qu’il n’a pourtant jamais rencontrée. Se livre alors une bataille déséquilibrée contre une institution judiciaire où les Noirs sont considérés comme des « coupables idéaux » :
Vous comprenez, il avait trouvé son centre, le pivot de sa propre existence, en lui-même – et ça se voyait. Il n’était le nègre de personne. Et ça, c’était un crime dans cette pourriture de pays libre. James Baldwin, « Si Beale Street pouvait parler »
Si Beale Street pouvait parler est aussi l’oeuvre d’un homme qui lutte depuis des années pour la reconnaissance des droits civiques des Afro-Américains, aux côtés notamment de Sidney Poitier, Nina Simone et Harry Belafonte. Que ce soit dans ses essais ou ses romans, James Baldwin aborde sans détour des questions politiques : l’homosexualité dans La Chambre de Giovanni (1956), la mise à l’écart de la communauté noire dans Chronique d’un pays natal (1955), l’amnésie volontaire des États-Unis envers les questions raciales dans Personne ne sait mon nom (1961), et la violence qui en découle dans La Prochaine fois, le feu (1963).
Idéaliste, James Baldwin a aussi voulu mettre un océan de distance entre lui et le racisme de la société ségrégationniste américaine en s’exilant en France. Il ne voulait pas être lu comme « juste un nègre ; ni même juste un écrivain nègre« . Mais les préjugés et stéréotypes raciaux, s’ils diffèrent à la marge, traversent les frontières, comme il l’évoquait sur France Culture, en 1975 dans un entretien accordé à Eric Laurent :
La plupart du temps, la plupart des Blancs voient une image des Noirs, mais ne voient pas l’humain derrière la peau. Ce n’est pas mon problème, c’est le vôtre. James Baldwin
Toni Morrison, « Beloved » (1987)
« Soixante millions et davantage« , c’est le nombre que Toni Morrison (1931-2019) rappelle à l’orée de son roman Beloved, publié en 1987. Soixante millions et davantage, c’est le nombre estimé de Noirs morts de la traite négrière et du système esclavagiste américains. A travers son cinquième roman, qui lui valut le Prix Pulitzer en 1988, Toni Morrison fait revivre les spectres, les horreurs du passé. A la croisée du conte de fantômes, du roman psychologique et du récit d’esclaves, Beloved s’inspire de l’histoire vraie de Margaret Garner (1834-1858). Cette femme noire était esclave dans la plantation de Maplewood, avec son mari et ses quatre enfants. En 1856, alors qu’elle cherche à s’enfuir, la famille est retrouvée à Cincinnati (Ohio) par des chasseurs d’esclaves. Incapable de se résoudre à revivre le cauchemar de la vie de servitude, Margaret Garner tente de tuer ses enfants, et est arrêtée avant de pouvoir mettre fin à sa propre existence. Sur les quatre, seul son nourrisson de deux ans succombe.
Sethe, l’héroïne du roman, connaît sensiblement le même sort après sa fuite des plantations du Bon Abri. Huit ans après l’abolition de l’esclavage, alors que l’ancienne esclave et sa fille aînée Denver sont enfin libres, le fantôme de son bébé tué, Beloved, se matérialise et revient sous leur toit. La plume lyrique et ensorcelante de Toni Morrison nous fait ainsi voyager entre le présent de 1873, temps de la liberté, et le passé de 1856, temps du traumatisme. En réalité, la liberté est ici rendue captive de souvenirs impossibles à enterrer. Celui de l’enfer des plantations et de l’impossibilité de se laisser aimer. Celui de la culpabilité d’un infanticide motivé par un crime contre l’humanité. En 2012, l’écrivaine phare du canon littéraire noir américain exprimait son refus d’oublier l’histoire de l’esclavage au micro de France Culture, dans « A Voix Nue » :
C’est cette histoire qui marche debout, vivante, qui rentre dans la maison, qui s’assoit à table parmi eux et à ce moment-là on ne peut plus l’éviter. Il faut l’affronter, il faut y faire face afin, on peut l’espérer, de comprendre ce qui s’est passé et de le transcender. Toni Morrison
Dans son roman très largement acclamé, l’autrice prodige use d’un phrasé lyrique et d’une structure inédite, où présent et passé s’entrelacent comme par magie, encore plus concrètement que par flashbacks. Et ce non seulement pour imager le retour de bâton d’une mémoire trop longtemps ignorée, mais aussi pour rendre « l’expérience de l’esclavage intime ». Le chef-d’oeuvre de Toni Morrison est en effet novateur à cet égard : il met au jour les pensées profondes des millions de femmes esclaves et mères, à qui l’on a ôté le droit d’aimer leur propre chair.
Pour une ancienne esclave, aimer aussi fort était risqué ; surtout si c’était ses enfants qu’elle avait décidé d’aimer. Le mieux, il le savait, c’était d’aimer un petit peu, juste un petit peu chaque chose, pour que, le jour où on casserait les reins à cette chose ou qu’on la fourrerait dans un sac de jute lesté d’une pierre, eh bien, il vous reste peut-être un peu d’amour pour ce qui viendrait après. Toni Morrison, « Beloved »
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